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 406                       LA REVUE LYONNAISE
   La salle de Dijon, assez petite, se trouvait comble. Bigarrure
complète de diplomates, de généraux, d'officiers de tous grades,
de tous pays, de plumets, de dorures. Des décorations sur presque
toutes les poitrines, et jusqu'à de vieux rubans fanés des anciens
Ordres français, accrochés à la hâte.
   Où trouverai-je des pinceaux assez habiles pour vous peindre
ces serviteurs de l'ancienne monarchie faisant assaut de contente-
ment, s'agitant sous leurs cheveux poudrés, tendant le jarret à le
faire craquer, rêvant la renaissance de leur fortune.
   Au signal d'un maigre orchestre, on les voit qui entonnent :
                        Vive Henri IV ! vive ce roi vaillant!

  .'Ces pauvres vieux chanteurs, sous leurs cocardes blanches,
 semblaient bien revenir de l'autre monde ; mais comment, même
 sans se joindre à des espérances qui pouvaient amener tant de per-
 turbations, ne pas rendre hommage à cette explosion de fidélité
 toute brûlante d'anciens souvenirs et de traditions de famillel !
    Bientôt la pièce commence. Tout ce qui prêtait aux allusions fut
 relevé avec enthousiasme; jamais « la furie française » ne fut plus
 flagrante; mais lorsque l'acteur se mit à chanter d'une voix écla-
 tante :
                     Le roi passait, tambour battait, etc., etc.,

 alors, plus moyen de retenir même les moins ingambes. On vit la

   i A côté de ces chansons purement royalistes, il en est beaucoup d'autres, célébrant
 tantôt les abeilles, tantôt les lys, parmi lesquelles celle qui suit est curieuse à
 recueillir. C'était un dithyrambe à deux faces, qu'on doit inscrire de la manière
 suivante, sur un papier plié en deux :
              Vive à jamais                        L'empereur des Français
              La famille royale                    Est indigne de vivre
              Oublions désormais                   La branche des Gapet
              La race impériale                    Doit seule lui survivre.
              Soyons le soutien                    Du fier Nappléon
              Du due d'Angoulême                   Exécrons la mémoire,
              C'est à lui que revient              Cette punition
              L'honneur du diadème.                Est le prix de la gloire.
    En pliant ce papier en deux, on a, d'un cofé, une ode en l'honneur des Bourbons;
  de l'autre, un couplet contre l'Usurpateur; mais si, dépliant le papier, onlitle tout
  horizonlalement, les deux couplets s'unissent pour célébrer la gloire de l'Empereur.
. Cette ingénieuse application d'une fable célèbre de La Fontaine convenait alors à bon
  nombre de particuliers.