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SOUVENIRS — 1 8 1 3 - 1 8 1 4 - 1 8 1 5 415 seul, parmi les civils, un avocat nommé Verdun, indigné de cet abandon, quoique d'une opinion contraire, enfourche un cheval et l'accompagne. L'Empereur le décora. A la sortie de Lyon, quelques dragons ou hussards servant d'escorte au fugitif furent rejoints par de la cavalerie impériale. Ils échangèrent entre eux quelques plaisanteries goguenardes sans que le prince fût empêché de poursuivre sa route. Confondu dans la foule, je me portai le soir jusqu'au pont de la Guillotière par lequel devait reparaître dans la seconde ville de France, l'homme extraordinaire qui l'avait relevée de ses ruines. Bellecour, dont il avait ordonné la reconstruction à d'avantageuses conditions, n'était pas complètement parachevé ; une ou deux mai- sons encore sans portes et sans fenêtres, offraient des places assez commodes à ceux jaloux d'assister de loin au retour triomphal. La foule était immense ; mais c'était une foule bruyante, éner- gique, étendant ses grossiers vêtements sous les pas du héros qui anoblissait ses enfants. C'étaient d'autres femmes que celles dont j'ai parlé plus haut. Celles-ci semblaient ne jamais vouloir se lasser d'engendrer pour alimenter les batailles. Napoléon fit son entrée à la lueur des torches. On léchait pour ainsi dire ses bottes. L'éclat des casques des cavaliers qui l'escortaient causait des vertiges de bonheur et d'enthousiasme. On se permit de casser quelques car- reaux de vitres à des habitations î-éputées bourbonniennes ; mais les sourcils du triomphateur se contractèrent. Il ne craignait pas le sang des combats, mais il détestait les méfaits de la canaille. Ce ne fut donc pas sans regret qu'il n'aperçut point autant d'habits fins qu'il l'espérait autour de sa personne. Il remarqua avec dépit que le lait de son peuple s'était écrémé. Ce retour, il faut le dire, avait été précédé de certaines démon- strations dénotant que le peuple était mieux informé que la bour- geoisie. Ainsi, un petit marchand d'encre tout contrefait, un culbuté le maréchal, joint les hussards, et fraternisé, comme ils disent. Le rharéchal s'est enfui, a été suivi six lieues; en a fait onze en trois heures et a rejoint Monsieur à Moulins;.. Le courrier arrive à Lyon par la Bourgogne; à Mà coin. il a trouvé le peuple en fermentation, criant. Vive B,...! et il a dû enlever sa plaque pour passer, il lui en a coûté quelques boulons à fleurs de lys de son habit. » (Extrait des lettres du marquis de Jaucourt à M. de Talleyrand, 14 mars 1815). — Correspondance de Talleyrà nd et de Louis XVIII, par G. Pallain, chez Plom. 1881, p. 335;