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          ÉCRITS SATIRIQUES CONTRE LES FEMMES                      283
  place. Le poète, ce n'est point toujours ce troubadour de conven-
  tion qui va chantant de castel en castel, égayant les fêtes, char-
  mant les longues heures d'oisiveté de la châtelaine, parfois la
  consolant de l'absence de l'époux qui guerroie outre mer. Non,
  c'est aussi le satirique implacable, cynique, mettant dans ses vers
  acérés toute la crudité d'une langue libre, raillant sans pitié les
 corruptions et les vices. Il n'épargne pas la femme, celui-là ; mais
 c'est pour elle qu'il conserve ses pointes les mieux affilées. Témoin,
 le délicat compliment que fait à toutes les dames en général le
 poète Jean de Meung, l'exemplaire châtiment qui faillit en être la
 suite méritée, et la mirifique façon dont il échappa au péril, ainsi
 que le raconte quelque part le gaillard sire de Brantôme.
     Je laisse de côté ici le moyen âge pour ne m'occuper que de
 quelques ouvrages satiriques faits contre les femmes aux quin-
 zième et seizième siècles. Ils sont en général connus, au moins
 de nom, des lettrés. Cependant comme la plupart sont assez raresy
 que plusieurs n'ont pas été réédités, mon travail intéressera peut-
 être quelques lecteurs. Quant aux lectrices de la Revue, elles me
 pardonneront d'avoir rappelé quelques mauvaises plaisanteries
 faites il y a bien longtemps contre le sexe dont elles sont l'orne-
 ment : tout le monde sait qu'il n'y a là que méchantes calomnies :
 du reste, avec la très consolante doctrine du progrès indéfini,, il
 est bien certain que les dames d'aujourd'hui ne peuvent en
 aucune façon mériter les reproches que les satiriques adressaient,
peut-être avec quelque fondement, à celles d'antan.
    Je ne saurais disconvenir que j'ai trouvé beaucoup de charmes
 à feuilleter les pages des XV Joyes de Mariage, un des plus
 curieux spécimens de ce genre d'ouvrages. Brunet croit que la
plus ancienne édition de ce livre a été imprimée à Lyon en 1480
ou 1490. Différentes notes de l'édition que j'ai entre les mains
 (La Haye, chez de Rogissart, 1726) semblent admettre qu'il aurait
été composé vers 1420 ou 1430 ou même 1450 au plus tard.
    Au reste, peu importe.
    Le nom de l'auteur est inconnu. Je pencherais cependant a
croire que ce fut un prêtre ou un moine. La phrase suivante que
je trouve dans la préface de l'auteur semble confirmer mon
opinion : « Moy aussi pensant et considérant le fait de mariage,