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                        MAINE DE BIRAN                            131
Pères et des théologiens qui ne s'immatricule pas plus dans la
science qu'elle ne s'impose à la foi, et les quelques additions si
sommaires que Maine de Biran y a faites, moins en philosophant
qu'en s'abandonnant à des accès de sentiment religieux, ne chan-
geront pas la valeur d'un legs toujours inaccepté pour la philo-
sophie.
    La veine mystique coule à plein dans cette supposition à
laquelle Maine de Biran se. livre d'une troisième vie, distincte
en nous de la vie de la volonté ou du moi. S'il y a, comme il le
déclare, des facultés de l'âme d'un ordre supérieur qui ouvrent le
passage à une troisième vie, où sont les preuves de ces mysté-
rieuses facultés? Ge n'est plus aux philosophes que vous parlez,
quand vous quittez à ce point le champ de l'observation, ou que
vous ne faites plus qu'en appeler à des expériences rares et privi-
légiées, dont la première condition serait la sainteté comme vous
l'entendez, et où celui qui est réduit à juger sur la foi d'autrui est
toujours libre de faire leur part aux mirages trompeurs de l'esprit,
aux soupirs de la mysticité, aux effets de l'hallucination. En phi-
losophie, il n'y a de démontré que ce qui est vérifiable et il n'y a
de vérifiable que ce qui peut être contrôlé par une commune vé-
rification. Dès que vous avez prononcé le mot de surnaturel, la
philosophie demande ses passe-ports, elle n'a plus qu'à se retirer,
 à céder la place discrètement à la théologie, car elle ne peut plus
 faire, avec l'indépendance qui lui appartient, les affaires qui lui
 sont confiées, et le surnaturel affecte une domination qui confond
 toutes les frontières. Gomment aussi Maine de Biran ne s'est-il
 pas aperçu que l'unité harmonique de l'homme résistait à faire de
 lui un carrefour de tant de vies à la fois? Quoi! nous constatons
 en nous la vie, avec la merveilleuse variété des phénomènes qui
 en dépendent, et ces phénomènes, quels que soient leur diversité,
 leur complication, leurs refus apparents à ployer sous les mêmes
 lois, nous les sentons compris dans l'être unique et individuel que
 nous sommes, nous nous sentons par là vivre du cours de cette
 vie humaine qui ne peut (ici-bas, du moins) que tout entière sub-
 sister ou s'abolir tout entière ; et il faudrait, au nom d'une phi-
  losophie qui se croirait basée sur l'expérience, admettre que ce
  sentiment illusoire d'unité recouvre trois vies distinctes, capables