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132                         LA R E V U E LYONNAISE
de se succéder dans l'homme \ et d'y effectuer leur incom-
préhensible mélange. Des vies distinctes? Mais où et comment les
avez-vous jamais désagrégées, pour pouvoir affirmer leur dis-
tinction? En est-il une seulement que vous ayez pu parvenir à
isoler afin qu'elle devînt le sujet de votre étude? Dès que vous
voudriez prendre dans l'homme une de ces vies prétendues, avec
le dessein de l'examiner à part, il vous arriverait ce qui arrive à
l'anatomiste qui scrute séparément du corps la structure d'un de
nos organes : la vie a fui, ce n'est plus sur la vie qu'il travaille,
c'est un résidu fragmentaire et altéré par la mort qu'il interroge;
et vous aussi vous ne feriez plus que consulter un ordre spécial
de phénomènes qui, détaché de l'unité pleine et vivante de l'homme,
ne serait plus la vie, mais un caput mortuum de l'analyse. Il
est évident que la science ne sera en droit d'affirmer dans l'homme
des vies distinctes que quand elle sera en mesure de les isoler.
Et trois vies à fondre ensemble ou à trouver jumelles au sein de la
nature humaine, c'est un luxe d'hypothèses dans lequel la sim-
plicité inscrite au plan de la nature universelle permet de ne voir
qu'une bien pauvre explication.
   Il y avait dans le système précédent de Maine de Biran, avanf
qu'il n'eût fait comme l'apôtre sa rencontre du chemin de Damas,
une psychologie plus fermement tracée et plus digne à tous égards
d'attention. Cette psychologie dont nous dégagerons tout à l'heure
le principe, grande et inappréciable conquête, nous l'avon's déjà
dit, nous ne voulons pour le moment en considérer que l'ensemble
et la bâtisse générale.
   Maine de Biran, à la différence des philosophes qui, surtout
depuis Descartes et presque de tous les temps, ont traité la science
de l'âme sans égard à la science du corps, a eu pour préoccupa-
ti n fondamentale d'expliquer dans l'homme le cumul des deux
natures. Il a donné la plus grande attention à la physiologie, aux
phénomènes de l'animalité, aux lois du corps. Au lieu de prendre
un beau jour l'homme tout fait pour matière de son étude, d'en
séparer à son aise la partie psychologique, et de contempler les
purs produits de l'esprit tels qu'ils apparaissent chez chacun de

 1
     V. L'introduction générale de Naville, t. I, p. cLxxxnt.