page suivante »
358 LE CHATEAU D'ALBON. de tuiles. Il est curieux de comparer le grêle pigeonnier de la Renaissance à la tour batailleuse du ixe siècle. — En montant vers la tour, on rencontre des masses de cailloux, de vastes ébôulis de chaux pulvérisée et blanche, des cubes de maçonnerie qui percent la terre ; les ondulations du sol accusent les édifices enterrés, elles sont couvertes d'un gazon, comme d'un tapis fané; au- dessous de la tour, une vaste substruction quadrilatère marque la place de l'ancien manoir seigneurial. Plus on s'élève, plus le terrain se dénude et devient abrupte ; le cône qui porte la tour elle-même est tapissé par un gazon gris, ras, glissant, émaillé d'œillets de poète et d'immortel- les à odeur de miel; les immortelles, symboles d'éternité, fleurissent sur les décombres, l'œillet de poète brille sur les os de quelque trouvère, comme une étoile de carmin : la nature a de ces philosophies. — La partie supérieure du triangle est défendue par deux profonds fossés que sépare un grand ouvrage avancé. —Là était le point accessible, là ont été accumulés les moyens défensifs. — Au-dessus de la berge, à pic, du second fossé, s'élance la tour carrée. Vue de loin, sur son haut piton gazonné , elle offre un aspect morose, mais, vue de près, elle échange le caractère de la tristesse contre celui de la fierté ; on di- rait un banneret couvert d'armes rouillées, retiré sur son roc et regardant avec insouciance le monde moderne à ses pieds ; à sa nudité carlovingienne, à la régularité de ses assises, vénérables tailles qu'encroûte un lichen rou- geâtre et sombre, à l'énorme épaisseur de ses murs, au galbe primitif de ses meurtrières et de la porte, son anti- quité se devine, et cependant on a éventré ses meurtrières, elle est découronnée, la cime est chargée de graminées droites et pâles, dans lesquelles le vent se joue, la sape a aminci sa base, a rongé ses flancs, a fait sauteries écailles