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250 POÉSIE. Il part avec ses gens splendidement monté, En habits de gala, menant fifre et musette ; Mais lorsque, en grande pompe, introduit à la fête Vers l'amoureux caïd heureux de s'avancer, Il se penchait déjà sur lui pour l'embrasser, (Allah! voit-on l'autour se changer en colombe ) ? Devant mille assistants soudain sa barbe tombe ; Un teint rose envahit sa face ; en un moment Se fait sous son burnous un secret changement ; L'homme est devenu femme. Ali, dans sa détresse, Se tourne vers ses gens ; mais, nouvelle tristesse ! Leur groupe aussi n'est plus qu'un troupeau féminin ! On remonte à cheval ; on brûle le chemin ; A la tente arrivés les fuyards s'y blottirent, Et, la nuit, sans pitié, leurs femmes les battirent. Dès l'aurore, le scheik tint un conseil et dit : « Seul j'ai fait tout le mal ; que mon nom soit maudit ! Amis, pour apaiser tout ce courroux céleste, Transférons de Denden le résidu funeste Sur le mont de l'Émir, tout auprès du figuier, Et d'un monument neuf couvrons-le tout entier. » Ainsi dit, ainsi fait ; pioche et pic rien ne pèse$ Denden est enlevé de sa couche de glaise, Transporté sur le mont au lieu même indiqué ; Un essaim d'ouvriers de bien loin convoqué, Tourbillonne à l'entour, maçonnant sans relâche ; Le scheik et ses amis concourent à la tâche, Par mille austérités qu'imitent leurs tribus, Implorant le retour des mâles attributs. A l'heure où. le croissant couronna la coupole, Tous auprès du cercueil debout, courbant l'épaule, Etaient là suppliants. O miracle espéré! La barbe à leur menton repousse comme un pré ; Les roses de leur teint s'effacent sous le hâle ; Leur voix redevient rude, et, faveur sans égale ! Un heureux changement se fait sous leur burnous.