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CONSTANCE DAYMER. 215 LETTRE X. /)' Ursule Servolet à Constance Daymer. D'Abbans, le 10 juin. Ma chère sœur, Nous avons reçu ta lettre du mois dernier qui nous a fait bien plaisir, le premier plaisir que nous ayons eu depuis ton départ. Tu aurais dû nous parler plus longuement de tes occupations, de la façon dont tu t'y es mise. Sois sûre aussi que nous au- rions lu avec plaisir une description entière de la campagne où tu es, puisque tu y es, et que nous nous intéressons à toul ce qui te touche. Tu as craint de nous humilier peut-être en nous parlant d'une maison et d'un jardin bien plus beaux que les nô- tres ; mais, en ce cas, tu aurais dû nous connaître assez pour ne pas penser ainsi. Tu sais que nous sommes contents de ce que nous avons, bénissant Dieu de nous avoir donné plus de terre et plus de bâtiments qu'à bien des gens qui valent mieux que nous et auxquels nous suppposons pour cela qu'il garde ses faveurs célestes, beaucoup plus précieuses. Une chose nous a peines dans ta lettre. Ce sont ces moments de révolte dont tu nous parles contre ta condition. Je ns te dirai pas que tu l'as recherchée et embrassée volontairement, même en dépit de nos efforts, de nos prières. Cela ne serait pas d'une bonne sœur. Mais je te représenterai, bien amicalement, que pour être heureux ici-bas, il faut bien comprendre sa position et en remplir les devoirs. La rleigion ne t'apprend-elle pas la soumission, ne t'en montre-t-elle pas la beauté, la grandeur, la gloire? Es-tu donc flagellée, injuriée, clouée en croix comme le divin Sau- veur? T'a-t-on craché au visage? Plutôt que de te révolter contre cette humble condition, remercie le ciel de te l'avoir assignée. Les paroles de ta maîtresse sont légères pour elle et dures pour toi, dans ce monde seulement. Dans l'autre, ce sera l'inverse, et, tu le comprends, il sera bien plus aisé de rendre compte de l'obéissance que du commandement; à ce