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36                       BU SURNATUREL.

   Mais, ce sophisme qu'un rustre livrerait au mépris de son
bon sens, nbus concevons sans peine qu'un philosophe, seul
dans son cabinet, puisse s'en laisser séduire. Pour lui, l'im-
pression du fait n'est rien, la métaphysique est tout. En proie à
la tyrannie de ses idées, ce philosophe ne voit ni un aveugle qui
a recouvré la vue, ni un paralytique qui marche, il n'aperçoit
qu'une opposition de certitudes. Une illusion fatale égare son
esprit, et désespérant d'accorder philosophiquement le témoi-
gnage de l'expérience avec celui des sens, il ne trouve rien de
plus sage que de rester dans la neutralité du scepticisme.
   S'il est quelque chose au monde qui montre l'infirmité de la
nature humaine, c'est bien cette malheureuse propension chez
les hommes instruits, à se laisser éblouir, contre l'évidence, par
 des sophismes qui provoqueraient la risée des simples !
    L'objection de Hume, à l'époque où elle parut, excita pres-
 que une révolution parmi les théologiens d'Angleterre. Nous
 avons lu les réponses qu'y opposèrent Campbell et Chalmers,
 chacun d'après des principes différents, et, s'il faut le dire, nous
 n'en avons été que médiocrement satisfait. Il est possible que
 ces réponses renferment les éléments d'une solide réfutation ;
 mais, leurs raisonnements embarrassés dans la métaphysique
 de la question générale manquent de cette précision, de ce nerf
 et surtout de cette clarté qui s'emparent de l'esprit et le subju-
 guent. Après les avoir péniblement suivis dans le cours d'une
 longue dissertation, on est étonné de se retrouver, comme ci-
 devant, sous l'impression renouvelée du subtil et original so-
 phisme de Hume. Il nous semble qu'on peut, à moins de frais,
 y opposer une réplique, sinon plus solide, du moins plus facile
  à saisir.
    D'abord, qu'on nous permette de contester, dans sa généra-
 lité, l'absolutisme du principe de Hume, savoir : Que les lois
 de la nature sont établies sur une expérience ferme et inaltéra-
 ble. 1° L'expérience générale d'un pays peut parfaitement con-
 tredire l'expérience générale d'un autre pays. Par exemple, un
 habitant des régions septentrionales, familiarisé avec, le phé-
 nomène de la gelée, est en droit de prouver à un habitant des