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BIBLIOGRAPHIE. 133 pire' ; observateur, c'est de la réalite' qu'il a fait surgir les types auxquels il a redonné la vie; artiste, il a parsemé ses tragédies de fantaisies suaves; homme du peuple, il n'a ja- mais reculé devant l'apostrophe bouffonne et la réplique épi- cée qui faisaient parfois comprendre à la partie infime de son auditoire quelque grand fait historique, quelque vérité philosophique ; homme de cour enfin, il connut à merveille l'art du bien-dire, du parler courtois et même maniéré. Son théâtre s'adressant a tous, devait et doit plaire à tous, car il a toutes les cordes, les fait vibrer tour a tour ou simulta- nément de manière à produire un concert enchanteur. Retrouvant les procédés du théâtre antique, Shakespeare fut l'initiateur des sociétés modernes a la tragédie démocra- tique telle que nos mœurs l'exigent. Le mouvement des es- prits s'est porté vers cette grande figure, que nous envierions à l'Angleterre s'il était des nationalités pour le génie. On l'a fêté, loué, chanté. Que ne l'a-t-on étudié plutôt! C'eût été lui rendre plus d'honneur et s'enrichir d'autant. Si la majorité des littérateurs a négligé cette route, elle a du moins été su.wie avec fruit par quelques hommes de mé- rite. Parmi eux, il faut distinguer M. Carlhant. Sa traduc- tion de Jules César si fidèle, si énergique qu'elle serre d'un contour précis la pensée de Shakespeare sans l'amoindrir jamais, est une œuvre rendue originale par le but que son auteur lui a assigné. En se vouant à ce long travail, M. Carlhant s'est proposé de faire représenter une tragédie de Shakespeare, telle que Shakespeare l'a conçue, devant un public français. C'est hardi ! dira-t-on. Mais personne ne doute qu'une idée neuve soit longtemps a gagner son pro- cès dans un pays aussi routinier qu'est la France, malgré sa réputation de constante mobilité. Ce livre n'est donc point destiné à prendre place, quels que soient ses titres, parmi les meilleures traductions de Jules César. Dans la pensée