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                     CHRONIQUE LOCALE.

   On dit du mal de l'intolérance? on l'injurie? on la bafoue? mais
c'est la foi, l'ardeur, l'union, la force, la puissance ! avec elle on gou-
verne, on règne, on remue le monde, on le domine ; c'est tout.
   On porte aux nues la tolérance, on la cajole, on la flatte, on
l'adule; au fond, qu'est-elle, sinon l'indifférence, le doute, la négation,
le relâchement, le morcellement, l'individualité, l'impuissance !
   La tolérance? mais c'est le vide, le néant !
   Le fanatisme, c'est la vie.
    Voyez Mahomet, Hugo, les Spirites, Guignol, Charnal, que sais-je !
   On croyait la littérature morte? on la déclarait peut-être sim-
plement malade et on disait : qu'importe!
    Un nouveau livre? un nouvel auteur? un nouveau succès? en quoi
cela peut-il nous intéresser?
    Et voilà tout-à-coup que la France se réveille, la France littéraire,
entendons-nous, et voilà que tous les soldats de la république des
lettres disent : Qui vive? — Garde à vous !
    Les beaux jours Ă 'Hernani seraient-ils revenus?
    Les Chansons des rues et des bois ont éclaté comme une bombe et
l'effet a été si saisissant que d'abord nul n'a su s'il devait admirer ou
îeculer d'horreur.
   Tous les journaux ont cité le Cheval, sauf à donner leur opinion plus
tard, après le public.
    Et Dieu sait si on Fa donnée vive !
    Hugophiles et hugolâtres se sont chargés avec fureur et pendant
qu'on chantait la célèbre chanson de Flan, dans laquelle Hugo et rigolo
font refrain, la Fraternité déclarait « qu'un de ces lettrés qui
usent leurs dents tartreuses et gâtées à mordre la lime de Guernesey
lui avait avoué qu'il ne pardonnerait jamais à Hugo de vivre volontaire
à l'étranger, loin de la France et hors de portée des critiques. »
    Quelle imprudence de faire de pareils aveux, surtout quand on aies
dents gâtées !
    « Les Chansons des rues et des bois, s'écrie M. Gastineau, sont un
degré de plus dans l'inspiration du poète, dans sa force, dans le magni-
fique épanouissement de son génie. » — « Qu'importent, » — après cela,
— « à Hugo les grincements de la littérature cagote et bourgeoise....
(bourgeoise est bien trouvé), puisque avec les Chansons des rues et
des bois il a encore récidivé le chef-d'œuvre, relevé des âmes abattues,
formé, des caractères, consolé des coeurs déçus.... etc. »
    Eh ! bien ! j'aime cela, l'auteur n'y va pas par quatre chemins ; il y a
là de la verdeur, de la sève, de la vie, une confiance inébranlable, et l'on
sent, dès la première ligne, que l'auteur porte une épée et qu'il n'est
pas manchot. D'un autre côté, voici M. Barbey d'Aurevilly qui déclare
que Lamartine n'est pas un bien grand poète, que M. Villemain a l'am-
bition chatte et le nez Ă  l'ouest, que M. Flourens c'est la science en
papillotes, que M. Ponsard est un Vadius triomphant, que M. Mignet
est un bellâtre do lettres, que M. de Sacy est infiniment petit dans le
sec, suit un gros mot sur M. de Laprade", enfin, que Victor Hugo est
un César de la décadence. Par contre, M. Pommier est un poète à
outrance; il a dans l'expression la pointe acharnée du glaive de
flammes torses de l'archange, c'est le maître impérieux du rhythme;
il est de la glorieuse ventrée (sic) de poètes qu'avait portés 1830 !
    Ce bon M. Pommier doit être bien flatté.