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                            TIU1TRE OU HÉROS?                              313

    Le soir même il avait gagné les montagnes qui devaient
lui servir désormais de retraite et contre lesquelles il venait
d'échanger pour toujours l'honneur et la douce sécurité du
toit paternel ; il était bandit. Mais il avait à peine sacrifié à
la vengeance, que la vengeance s'armait à son tour contre
lui ; et le meurtrier d'Antonio allait la trouver aussi implaca-
ble qu'il l'avait été lui-même.
   Le jour du crime ne s'était pas encore écoulé, que la jeune
veuve obéissait à la première loi qu'un usage rigoureusement
suivi impose en Sardaigne, à toute veuve d'un homme tué
par son ennemi. Parée de ses plus riches habits, les cheveux
flottant sur ses épaules, on la vit aller, accompagnée de ses
principaux parents,demanderpubliquementjuslice du meurtre
de son époux au premier magistrat de la cité; puis, reconduite
chez elle, avec le môme apparat, elle y avait déposé ses habits
de couleur, pour ne les reprendre qu'à la fin de son veuvage.
   Ce n'était là que le premier acte d'un ensemble de cérémo-
nies funèbres qui porte dans l'île le nom dAlllïo ; cérémo-
nies conservées de l'antiquité et dont je dois parler avec quel-
ques détails.
   L'Attito présente une analogie frappante avec les neniœ
desprœ/îcœ romaines (1), avec les olophyrmes des Grecs an-
ciens, avec les myriologues des Grecs modernes. M. Fauriel(2)
a relrouvé ces derniers dans Homère ; nous y retrouvons
également VÂttito sarde. C'est le passage de l'Illiade où la

   (1) Les Romains appelaient prœficœ des chanteuses et pleureuses à gages,
fournies par les libitinaires (entrepreneurs des funérailles) et qui récitaient
au son des flûtes et de la lyre des nénies, ou poèmes funèbres à la louange
du défunt. Dans l'ordonnance des funérailles romaines, les femmes fermaient
la marche, les habits en désordre, les cheveux épars et jetant des cris de
désespoir. Elles étaient dirigées par \&prœ(ica qui leur indiquait la panto-
mime de la douleur et leur donnait le ton des gémissements.
  (2) Fauriel, Chants populaires de la Grèce moderne.