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314 THAITRE ou nÉaos? famille de Priam exhale ses regrets sur le cadavre d'Hector, au moment où il vient d'être rapporté du camp d'Achille pour qu'on lui rende les honneurs funèbres. Tout ce qui se passe dans le palais de Priam, autour des restes du héros iroyen , à quelques détails près, se passe aujourd'hui encore, sous nombre de toîls sardes, à la mort d'un père, d'un fils ou d'un gendre. Et ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'aujourd'hui en Sardaigne, comme au temps où fui Troie, ce sont les femmes seules qui adressent leurs plaintes au défunt, qui viennent l'une après l'autre, dans l'ordre de leur parenté et, pour ainsi dire, de leur douleur, lui faire les derniers adieux, lui rappe- lant, comme s'il devait les entendre, tout ce qu'il fut pour elles, tout ce qu'elles perdent en lui (1) ; sauf, enfin, ce qui lient à la différence des conditions personnelles ou sociales des personnages, il n'y a, dans les plaintes d'Androraaque, d'Hé- cube et d'Hélène, sur le cadavre d'Hector, rien que l'on ne retrouve dans le caractère de ïAiiiio, pour peu qu'il y règne d'inspiration et d'originalité. Ce qui fait le caractère essentiel de la prœfîca sarde, c'est que son lyrisme n'est pas la simple déclamation de poésies composées d'avance et â loisir. Ses chants sont toujours improvisés dans le moment même, et toujours appropriés à l'individu auquel ils s'adressent. Le ton de la prœfîca, les airs et les gestes dont elle accompagne ses improvisa- tions, varient suivant le sexe et la condition de la personne que l'on pleure. Pour une jeune fille, la déclamation de l'im- provisatrice cl les cris de ses compagnes, sont empreints d'une tendresse et d'une mélancolie qui émeuvent tristement, mais n'excitent que la sensibilité et les regrets. Le chant funèbre devient plus animé et éclate, si l'on dé- plore la perle d'une femme enlevée à sa famille par une mort (1) M. Fauriel a fait la même remarque au -ujet des myriologues grecs.