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                              MACAULAY.                            507

 Aujourd'hui, avec des documents bien autrement variés, avec
les lettres personnelles et les correspondances diplomatiques qui
nous permettent de suivre au jour le jour la vie des"cours et
celle des grands personnages, non pas même la vie publique,
mais souvent aussi la vie intime et privée, nous avons toutes les
pièces d'un procès, tous les éléments d'un jugement ; nous pou-
vons prononcer en toute sûreté de conscience ce qu'on appelle
le verdict de l'histoire. Qu'on m'accuse de paradoxe, je n'en sou-
tiendrai pas moins que nous pouvons connaître notre histoire
d'il y a deux ou trois cents ans infiniment mieux que celle d'au-
jourd'hui.
   Et par la même raison, je soutiendrai que' nous pouvons la
 connaître mieux que les contemporains eux-mêmes. Il y a sans
doute grand plaisir à lire Comines ou Saint-Simon parce qu'outre
leur talent et leur style qu'on admire, on apprend, en les lisant, à
vivre de leur temps, on se retrouve au milieu des personnages
dont ils parlent, et de mœurs qui ne sont plus les nôtres. Mais
ces peintres admirables, fussent-ils comme Philippe de Comines,
des politiques raffinés, écrivaient sur les affaires de leur temps com-
me nous écririons aujourd'hui sur celles du nôtre,c'est à dire qu'ils
préparaient surtout des matériaux pour les faire connaître et les
faire juger. Us n'en connaissaient souvent qu'une partie, et la
perspective leur manquait. Car pour bien apprécier un drame et
la manière dont il est joué, il ne faut pas être acteur et y repré-
senter un rôle ; il faut être placé à cette distance utile où le
spectateur, sans rien perdre des détails et des péripéties, voit la
scène dans tout son jour et l'embrasse dans son ensemble. Voilà
pourquoi, malgré tous les mérites des mémoires originaux, l'his-
torien ne doit jamais désespérer de lutter avec eux d'intérêt
et de vérité.

                                 V.
   Je reviens à Macaulay, si toutefois je m'en suis écarté. Après
avoir esquissé les grandes lignes de son talent, je veux m'arrê-
ter à quelques-unes de ces habiletés que le génie même n'exclut
pas et qui attestent chez lui une connaissance profonde de