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36 ÉLOGE DE LOUIS-GABRIEL SUCHET. Les premières années de Louis-Gabriel Suchet s'écoulè- rent à la villa de la Mignone, si digne de celte douce appel- lation. Cette nature poétique impressionna de bonne heure l'imagination de l'enfant. Le souvenir de ces lieux se fondit dans son esprit avec celui des deux personnes qu'il aima le plus : sa mère, la plus profonde affection de son cœur, et une dame Tourret, gouvernante dans la maison. M1"" Suchet, remarquable par la noblesse de ses senti- ments , par la douceur de ses mœurs et la sévérité de ses principes, était attachée aux anciennes traditions et avait un caractère qui imprimait le respect. Le jeune Suchetavait reçu de la nature la maturité de son père et les grâces de sa mère. Cultivé sous le toit natal comme un fruit précieux , il y fut élevé jusqu'à l'âge de dix ans par cette raison de père et cette tendresse de mère qui se retrouvèrent tout entiers plus tard dans son âme, dans son caractère et dans ses belles actions. Il élincelait de grâce et d'intelligence. Son extérieur aimable prévenait tout le monde en sa faveur; et quand on était à portée de connaître son caractère naissant, il fallait aimer la beauté de son naturel. Il ne connut que bien peu de temps les baisers et les soins maternels. La dame Tourret, gouvernante, remplaça auprès père, de Poivre, de Soufflot, de Morand, etc., etc., de même que l'Ile-Barbe est toute jonchée de belles ruines abbatiales et féodales , cette île riante à laquelle les Lyonnais aiment reporter leurs premiers rêves de bonheur. On était loin naguère de pressentir que ces paysages, devenus plus gra- cieux et plus pittoresques que jamais, seraient un jour dépoétisés. Hélas ! oui, déjà les chemins de fer commencent à attrister les charmants co- teaux de la Saône , emportant avec la rapidité de la foudre les antique» traditions et les merveilleuses légendes des populations qu'ils vont traverser bientôt. Les machines à vapeur saliront de leur fumée noirâtre l'azur du plus beau ciel, et les lignes droites des routes de fer couperont les gra- cieuses ondulations des sentiers de notre jeunesse.