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5t8 MADEMOISELLE DE MAGLAND. lions dissidentes ; j'avais donc entendu un sermon le matin, et j'étais menaaé d'une lecture édifiante pour le soir, attendu que c'était un dimanche, et que ces jours-là s'observent ici au moins aussi rigou- reusement qu'en Angleterre. Bref, je faisais mes adieux à M m e de P., décidé que j'étais à partir le lendemain, lorsqu'on annonça M»no Baudéant de la Rochemarqué et son fils que je croyais en Italie ou dans son manoir, au fond de sa chère Bretagne. Je courus embrasser notre ami, chez lequel j'ai retrouvé la même affection qu'autrefois. Il me présenta cérémonieusement à M me sa mère qui daigna ratifier l'invitation qu'il me fit de leur consacrer quelques jours. Il fut convenu que le surlendemain, au lieu de partir'pour Paris, je m'acheminerais vers Hauterive ; c'est le nom du château qu'habite M» e de la Rochemarqué, tout près de Rolle, charmante petite Ville au bord du lac. J'étais seul, par un temps assez froid, dans le coupé de la dili- gence de Lausanne ; j'avais parcouru à peu près la moitié de la distance qui me séparait d'Hauterive, et la neige commençait à tomber eu abondance, quand j'entendis une voix de femme qui, de la route, appelait le conducteur; celui-ci arrêta aussitôt ses che- vaux, descendit prestement de son siège, et s'approcha de la haie qui bordait le grand chemin, au-dessus de laquelle je ne pus aper- cevoir qu'une de ces grossières capotes de paille que les Anglaises portent en toutes saisons et qu'elles appellent, je crois, cottage. Sans doute, pensais-je, c'est une femme de chambre attardée qui demande une place. En ce moment, le conducteur ouvrit la portière du coupé et aida son interlocutrice à franchir le marche-pied ; un magnifique épagneul anglais s'élança après elle. A peine fut-elle as- sise que je reconnus mon erreur; elle porlait un habit de cheval. une amazone, comme disaient nos pères, en Casimir vert russe qui sentait son Paris d'une lieue, et sa main supérieurement gantée tenait une cravache qui ne pouvait sortir que de chez Verdier ; elle ôta sa petite capote pour secouer la neige qui la couvrait, et je vis une de ces têtes comme nous les aimons; intelligente, expressive, où la beauté physique est éclipsée par la beauté morale. J'étais tout à fait absorbé par celte charmante apparition. Ce ne fut qu'après quelques minutes que j'osai examiner ma compagne de voyage qui