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ET DANS LE TKMPS. 509 gère le moyen, il doit dérober l'être... Amant de la beauté, il brûle d'en violer les mystères avant d'avoir reçu la grâce de l'époux, il porte la main sur le fruit défendu. Cependant Dieu lui avait dit : Je me le suis réservé !... Et dès ce moment l'homme a signalé la faiblesse de son amour et l'égoïsme de son cœur. Il a voulu jouir seul, séparé de Dieu. Au lieu de s'unir à la beauté et de se perdre dans son sein, il a voulu l'unir à lui et la perdre en lui-même, et la posséder pour se faire le centre de la félicité. Mais quoi ! jouir de Dieu sans l'aimer. Oh ! qu'as-tu dis? j'en frissonne encore aujourd'hui, après les six mille ans que cette pensée a traversé le cœur d'un malheureux père ! Jouir de Dieu sans l'aimer ! mais où est donc la jouissance sans l'amour?... Ah! comprends cette fois combien est stupide l'égoïsme qui t'a privé de lumière à ce point. Insensé ! au lieu d'aimer, lu veux qu'on t'aime... Hélas! perdant à ce degré toutes les notions du bonheur, comment pouvais-tu accomplir désormais les destinées de ton être... Voici, ontologiquement et en quelques mots, toute l'his- toire de la créature spirituelle et libre : Dieu est le bonheur infini, parce qu'il est la complète possession de l'être. Dieu crée un autre être, et cet être porte le besoin du bonheur, qui est la finalité de l'être. Or, le bonheur résulte de l'amour. Dieu donc donne à l'homme pour vie le cœur, et pour loi l'amour, afin qu'il puisse arriver aussi à la complète pos- session de l'être. L'homme, au lieu de répondre à ce que Dieu attendait de l'immortelle prérogative de liberté, est pressé de jouir du bonheur; il ne veut pas attendre d'avoir acquis l'infini, il ne veut plus passer par les conditions de l'être. Il commence donc à prendre possession de lui-même, et, au lieu d'élancer son cœur vers l'être, il porte son cœur sur lui, il s'aime. Comme son amour entièrement déposé sur lui, le porte à l'égoïsme, que l'égoïsme l'amène à l'envie, et