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400 EXCURSION DANS LE MIDI. ville en France où les dévotions superstitieuses et la foi dans les miracles se soient conservées aussi robustes et aussi vivaces qu'à * Marseille. C'est sous ce rapport, nous dit notre cicérone, une ville toute italienne, toute espagnole. Comme dans ces pays, les processions y sont luxuriantes de confré- ries, de capucins, de pénitents noirs ou blancs (1). A ces pompes religieuses, encore empreintes de souvenirs et de sensualisme païens, il ne manque ni les gâteaux sacrés appelés ici fougasso, ni les présents de fruits chéris de la bonne déesse, que l'on appelle Calenos, ni les banquets des anciens transformés chez nous eu gros soupers de famille, où trône le raïto (2) avec ses libations de sauce au vin et aux câpres ; ni les extases naïves du peuple devant les saints de bois doré, et les riches bannières, et les chasses et les reliques; ni les œillades des cavaliers mêlés à la foule, ni les minauderies coquettes des belles dames, ni les tendres aveux, ni les dé- clarations amoureuses qui se mêlent, dans la rue, aux can- tiques de l'église, tout comme si l'on se trouvait à Madrid, à Florence ou à Rome. Les voyageurs qui s'arrêteront à Marseille pendant les so- lennités de Pâques, de la Fête-Dieu ou de Noël seront à même de reconnaître la vérité de ce tableau. En sortant de la chapelle de Notre-Dame de la Garde , nous (1) Parmi toutes ces confréries, il en est une qui nous a paru mériter une mention particulière : c'est celle des Bourras ; elle est composée presqu'entièrement des négociants les plus opulents de Marseille , tous catholiques, bien entendu. Leur costume est une tunique à capuchon, d'une toile grossière, ceinte par une double corde d'où pend un chape- let à gros grains et une tête de mort, le tout en bois. La mission qu'ils se sont donnée est de procéder à l'inhumation des pauvres gens décédés dont les familles ne peuvent pas faire les frais de cette triste cérémonie. Souvent, nous a-t-on dit, après l'avoir accomplie avec recueillement, ils font entr'eut une collecte au profit de la famille. (2) Le Raïto est une espèce de capilotade de morue ou d'anguille, fort en honneur dans la cuisine provençale.