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                   EXCURSION DANS LE MIDI.                     237

   L'interlocuteur sarcaslique n'avait pas improvisé ces vers,
mais c'était un homme qui avait de l'à-propos et de la
mémoire, surtout quand il s'agissait de quelque épigramme
contre la Provence, qu'il appelait l'heureux pays des cousins
et des puces, il avait emprunté cette citation—la citation
des bastides, non pas celle des puces — à une pièce de vers
lue à l'Académie de Marseille par le poète Méry.
   La controverse, comme vous voyez, prenait les allures vi-
ves et le tour extra-pittoresque. Le jeune homme, aux épan-
chemenls poétiques, crut prudent de faire un mouvement
de retraite sur ses auteurs anciens. Il invoqua en faveur
de Marseille le témoignage de Tite-Live, de Slrabon, de Ta-
cite, de Pomponius Mêla. Il rapporta le mot de Cicéron qui
appelait Marseille l'Athènes des Gaules. Il énuméra,avec Jules-
César, le nombre des monuments qui embellissaient la co-
lonie grecque : le temple de Diane éphésienne, d'Apollon
delphinien, la citadelle, l'arsenal,l'amphithéâtre, le gymnase
et les écoles publiques, où les Romains envoyaient leur
jeunesse patricienne pour y étudier les lettres grecques et se
façonner aux grâces altiques. Il n'oublia ni la vigne ni l'o-
livier apportés de la Grèce par les Phocéens, ni la forêt
druidique célébrée par Lucain, dans sa Pharsale. J'ai vu le
moment où ce brave jeune homme, toujours à propos de
Marseille, allait entonner un hymne à Teutatès. Mais l'autre
l'arrêta tout court, en lui faisant remarquer qu'il avait omis
un des plus glorieux souvenirs de l'histoire ancienne de la
Provence : l'importation du bouilla-baisse, inventé par un
client de Cicéron, et dont le secret culinaire, soigneuse-
ment conservé par ce grand citoyen,avait été légué^ dit-il, à la
ville de Marseille, comme la plus fidèle alliée de Rome.
   Ce mot mit lin à la dispute.
   Quant à moi je me promis bien de rester aussi éloigné
de l'engouement de l'un que des injustes préventions de
l'autre. Aussi, pendant mon séjour à Marseille, j'ai choisi
pour C i c é r o n e , non pas les illustres écrivains qui floris •