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70 SOCIÉTÉ KES AMIS-DËS-ARTS. une nature dont le plus beau talent ne peut donner le secret. Le tableau de Francesca di Rimini est charmant par la sim~ plicité de la composition , le naturel et la naïveté des poses, par nous ne savons quel ensemble mélancolique qui vient du cœur, et que l'art ne donne pas; c'est la nature poétisée par l'expression ; mais pourquoi ces chairs blafardes qui ne rap- pellent en aucune façon la nature italienne? Paolo nous pa- raît aussi un peu froid; Francesca est bien émue, bien agitée de ce divin tremblement d'amour et de cet abandon que le Danle a peint d'un seul trait : La bocca mi bacio tulto Iremante ; Galeotto fù il libro Peut-être cependant a-t-elle un peu trop cette conscience de sa faute que le poète lui refuse : son hésitation le laisserait croire malgré son émotion et le laisser-aller de sa pose. Tout le monde a remarqué les charmants tableaux de La- faye, étonnants par la vérité de l'effet, et la perfection des détails; rien n'y papillotte; aucune partie n'a cette ambition de prévaloir aux dépens des autres, que nous remarquons dans u;ie si grande quantité d'ouvrages modernes; tout est en har- monie, et cette harmonie est ravissante. Les ors qui abon- dent dans ces compositions n'ont point de clinquant; l'artiste ne les a pas prodigués pour s'amuser à faire jouer la lumière sur des surfaces brillantes, il les a subordonnés â leurs places et à l'importance des clairs. Ce sont de ces sacrifices dont il faut savoir gré au peintre qui se décide à les faire, ils sont rares dans l'école moderne. Aujourd'hui nos peintres veulent de l'elFet à tout prix : aussi nos yeux sont-ils choqués d'une foule de contre-sens que le public a la sottise d'approuver, et que la critique relève trop rarement. Quand un statuaire abandonne le ciseau pour la brosse, on s'attend à voir un dessin épuré, une étude profonde du nu,