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EXPOSITION 1844-1845 65 prendre ombrage de tout ce qui affecte de l'éclat, de la force, de l'énergie. Le génie au cordeau est sûr de leurs faveurs, l'engourdisement les charme; la jeunesse, la fougue, les pas- sions, et surtout l'esprit, cette électricité, ce fluide animateur de la peinture, comme il l'est du style et de la poésie, tout cela manquant à l'école incolore, il leur reste la patience, et surtout la morale; mais si cette école est vertueuse, elle est encore plus froide ; si elle est morale, elle est souverainement ennuyeuse ; admettre celle peinture serait renier celle dont l'Italie, la France et la Hollande ont fait leur gloire depuis quatre siècles. L'erreur du moins aura été longue. Décidons- nous pourtant ; que Venise jette dans l'Adriatique tous ses chefs-d'œuvre qui ont plus vécu que ses doges, ses arsenaux, ses patriciens et sa république ; que l'eau salée lave les souil- lures des Veronèze et du Titien ! Que Bruxelles, qu'Amster- dam, qu'Anvers demande pardon à Sainte-Gudule d'avoir produit d'implacables coloristes tels que Rubens et Yandick et les brûlent pour crime de haute couleur! Que la France dépouille ses musées et attache à la place de ses tableaux un voile noir et une inscription disant la trahison tout entière ! Pas de milieu à prendre: ou tout notre passé est bon, bien acquis, et alors il reste à juger la nouvelle école comme il con- vient , ou il est mauvais, et alors il faut se hâter de l'anéan- tir comme un élément des plus funestes à l'avancement de l'art. Si ces hommes et ces choses devaient prévaloir, que Léo- pold Robert aurait bien fait de se tuer ! Ce qui précède nous a été inspiré par quelques-uns des maîtres qui figurent à l'Exposition auxquels il n'a manqué pour arriver aux points culminants de l'art, que le courage d'être eux. Voici M. Chassériaux, par exemple, dont les dé- buts furent si brillants, qui, aujourd'hui, adepte frénétique de la peinture réformée, fait pénitence de ses vieux péchés ; 5