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402                         LA REVUE LYONNAISE

 père, et sa réussite au temps, aux circonstances et aux événements.
    Que serait Wellington si Grouchy eût donné ? Qui connaîtrait
 Ponce-Pilate, sans la condamnation du Juste des Justes ?
    Un poète de mirliton, sans souffle et sans puissance, rime et
 rimaille, gaiement, joyeusement, tout simplement, pour lui et ses
 amis. Ses vers sont détestables, ses idées communes et vulgaires. Il
 entasse couplets sur couplets, pages sur pages, et se trouve à la tête
 d'un volume, pauvre volume, mort en naissant! Son nom ira-t-il à
 la postérité ? — Non, certes ! — Qu'en savez-vous ? Ecoutez ! Le
canon gronde, la France est envahie... Tout à coup, un chant ter-
rible retentit. Du Rhin aux Pyrénées, les armées de la République
entonnent la Marseillaise. L'ennemi vainqueur s'arrête, il se trouble.
La victoire change de drapeau, et la France est sauvée. Comme poésie,
les paroles de ce chant, sauf celles du premier et du dernier couplet,
sont déplorables; mais l'air est vibrant, la pensée entraîne. C'estla
fureur d'une nation qui s'exhale ; c'est un orage qui couvre les
plaines et les monts ; c'est le défi aux rois européens, l'appel aux
peuples de l'univers. Une immense voix rugit sur le monde, et
le nom de Rouget de l'Isle est immortel.
    Et non seulement le petit officier, roulé par le tourbillon, monte
aux nues, mais, à côté de lui, sont emportés, couverts de gloire,
Dietrich, le maire de Strasbourg, chez qui, pour la première fois,
l'hymne sublime fut chanté ; le modeste abbé Antoine Pessonneau,
de Vienne, qui, lors du passage des Marseillais, ajouta un couplet
au chant national; ( i ) et enfin, nous l'espérons, le typographe Ma-

  (i) Le couplet des enfants : Nous entrerons dans la carrière, un des meilleurs
comme poésie, est de l'abbé Pessonneau, professeur, en 1792, au collège de
Vienne en Dauphiné, et non d'un M. Dubois, comme l'avance le Dictionnaire de
Larousse, ni de Chénier, comme le dit M. Leroy de Sainte-Croix, dans son
ouvrage : Le chant de guerre pour l'armée du Rhin, ou la « Marseillaise, » Strasbourg,
1880, in-4, p. 40.
  L'abbé Pessonneau composa ce couplet pour ses élèves, qui le chantèrent à
Vienne, lors du passage des Marseillais. L'enthousiasme fut immense. Le sou-
venir de cet événement lui sauva la vie, lorsqu'il fut arrêté sous la Terreur.
  L'abbé Pessonneau, né à Lyon, le 31 janvier 1761, mourut à Seyssuel, près de
Vienne (Isère), le 9 mars 1835.