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SIMON SAINT-JEAN, PEINTRE DE FLEURS 103 que dans la réalité. Ces reproches tombent d'eux-mêmes. Ils tien- nent aux modèles qui s'offraient à lui. Fleurs, fruits, arbres, végé- tation, il avait bien tout vu, tout copié, tout sévèrement rendu. Etait-ce donc sa faute à lui, si la flore de son pays était plus belle, plus riche, plus magnifique, plus splendide qu'ailleurs? Il avait un incomparable coloris ; son œil savait voir et choisir, et sa main, fine comme la main d'une femme, semblait se jouer sur la toile, en y faisant éclore les plus merveilleuses beautés. Sa compo- sition était élégante, d'un goût exquis. Les fleurs se groupaient, se plaçaient devant lui avec une grâce sans égale ; les fruits s'amonce- laient comme si une fée avait présidé à leur arrangement et son style élevé et pur, sa pensée idéale, son but qui était toujours plus haut que la reproduction matérielle et brutale, saisissaient le specta- teur qui s'arrêtait malgré lui, contemplait longtemps et ne s'éloignait qu'à pas lents, pensif et l'esprit rêveur. Tant de talent, de courage, de ténacité, d'énergie devaient avoir leur récompense. La santé lui était revenue, et le travail ne lui coûtait plus. En 1834, inconnu à Paris, sans appui, sans réclame, il envoya au salon de la grande cité une Jeune fille portant des fleurs sur sa tête. L'effet fut saisissant. L'étonnement fut général. On s'arrêtait brus- quement devant ce jeune maître dont nul ne savait le nom. Le résultat fut, d'emblée, une médaille de seconde classe, haute et précieuse faveur pour qui sait avec quelle vigilance, avec quelle ardeur, les honneurs sont, chaque année, disputés par les maîtres et les ateliers de Paris. En 1835, il exposa un Bouquet sur une tombe. Venait-il de perdre sa mère ou sa sœur? Ni sa famille ni ses amis n'ont pu me le dire. Ce qu'il y a de certain, c'est que cet hommage s'adressait à une mémoire vénérée et que c'était avec le cœur qu'il avait composé ce tableau. A dater de ce jour, sa réputation fut établie, son nom connu, et ses succès allèrent en grandissant, non seulement à Paris, mais en