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                   REVUE CRITIQUE DES LIVRES NOUVEAUX                          389

  honneurs d'un de ces tombeaux poétiques que les poètes de cette époque, par une
  touchante piété, avaient coutume d'élever à leurs confrères.
    Aucun événement saillant, inattendu, ne marque cette courte existence. Tout
 y est ordinaire, depuis le travail obscur des débuts, jusqu'à l'oubli de la postérité,
 après l'admiration, excessive peut-être, des contemporains. Et à dire cela longue-
  ment, M. Jules Favre eût couru le risque d'être banal et monotone. Mais il a su,
  avec un rare talent, éviter ce double écueil, en faisant de l'histoire de son héros
  comme un épisode de ce grand mouvement littéraire du xvie siècle, si intéres-
 sant toujours et si nouveau encore après les travaux de la plus érudite critique, en
 groupant autour de lui, comme en un tableau animé, les divers personnages qui
 ont joué un rôle dans sa carrière littéraire ou galante.
    C'est l'abbé de Saint-Chéron d'abord, Hugues Salel, le traducteur de l'Iliade,
 favori du roi et de Marguerite de Navarre, l'un des hommes les plus savants de
 son siècle, qui le premier accueillit Magny à son arrivée de Cahors, et qui lui
 donna accès auprès des littérateurs illustres de la Pléiade; puis Jean d'Avanson,
 dont notre poète, après la mort de son premier protecteur, devint l'un des secré-
 taires, et qu'il accompagna dans sa mission auprès des papes Jules III, Marcel II
 et Paul IV ; d'Avanson, habile diplomate, la créature de Diane de Poitiers, dont il
 servait les intérêts politiques, dans son ambassade à Rome, en même temps que
 ceux du roi; puis c'est Louise Labé, la belle Cordière de Lyon, l'inspiratrice de ses
 vers amoureux, sur la vertu de laquelle ni ses contemporains, ni les critiques
 modernes, n'ont pu encore se mettre d'accord.
    M. Jules Favre ne craint pas de consacrer à ce délicat problème un chapitre
spécial, et ce n'est pas, pour nous surtout, le moins curieux de son ouvrage. Il
analyse avec soin les témoignages contradictoirez des contemporains, Claude
Rubys et Paradin ; et, par l'étude des œuvres de Magny et de Louise Labé, par
l'examen de leurs relations et de leur vie, il arrive à cette conclusion, tout à
l'honneur de notre célèbre compatriote, qu'aimée d'Olivier, elle ne le paya pas de
retour, ou ne lui accorda du moins que des faveurs purement platoniques. Sans
aller peut-être aussi loin que Calvin, qui, dans son pamphlet de 1560 contre Gabriel
 de Saconay, comte et précenteur de l'église de Lyon, traite hardiment Louise Labé
de plebeia meretnx, deux écrivains de notre temps, MM. Prosper Blanchemain et
Turquety, ont tiré, des mêmes documents, des conclusions contraires. La question,
on le voit, est difficile autant qu'intéressante. Nous ne faisons que l'effleurer
aujourd'hui, nous réservant d'y revenir bientôt au sujet de l'étude depuis long-
temps attendue de M. Charles Boy sur la belle Cordière, et dont on nous annonce
enfin la prochaîne apparition.


   Après la vie de Magny, M. Jules Favre étudie ses œuvres, que de nombreuses
citations nous permettent d'apprécier en toute connaissance de cause. L'excès
d'érudition, qui est le défaut de son époque, n'étouffe pas en lui l'inspiration,