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384 LA REVUE LYONNAISE et l'aspect d'un triomphateur. Voyez, par exemple, l'apothéose de saint Bruno par notre grand Le Sueur. Le Moyen-Age, même avant saint Thomas, possédait, mieux que nous, la science théologique, et respectait mieux l'esthétique chré- tienne. On se gardait bien alors d'anticiper arbitrairement sur l'heure de la résurrection future et de notre assomption à tous. Toujours les artistes d'alors vous montrent le corps du saint, couché dans son lit, et rendant son âme à son créateur souverain, avec une placidité, une grâce touchante et un sourire de prédestiné. Cependant, pour rendre d'une manière sensible la sortie de l'âme et son élan vers le ciel, s'inspirant de cette expression évangélique : expiravit, et de celle de la sainte liturgie : efflavit animant, ils allaient volontiers jusqu'à faire partir des lèvres du mourant un souffle, un rayon qui se dirigeait vers le ciel en s'élargissant ; et, dans ce rayon céleste, on voyait un petit corps humain, allongé et fluet, dégagé en quelque sorte de la matière, le corpus spiritaîe de saint Paul. Ainsi en est-il dans le 32etableau de la vie en images de saint Norbert. Ainsi, encore dans le 45e tableau de l'histoire en images de saint Gaétan de Thiène, gravée et imprimée à Vérone en 1619. On retrouve la même idée et la même image dans les vieilles peintures murales d'Anzy-le-Duc, à la mort du disciple de saint Benoît, saint Maur. D'autres, pour exprimer la même pensée, je veux dire la sépa- ration de l'âme immortelle de son corps de mort, partaient d'un autre passage de l'écriture et recouraient à une image assez dif- férente. Ainsi, dans la célèbre vision en laquelle saint Pierre est invité, à l'occasion du centurion Corneille, à s'appliquer désormais à la conversion des Gentils, nous lisons qu'il vit le ciel ouvert, et comme une grande nappe suspendue par les quatre coins, qui descendait du ciel en terre, et une voix vient à lui qui disait : « Lève-toi. N'appelle point impur ce que Dieu a purifié... » Et aussitôt la nappe rentra dans le ciel. Voilà bien l'explication de notre bas-relief. Le corps de Louis le Pieux est couché dans le lit où il vient dé rendre l'âme à son créateur.