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LA « SEMAINE » DE CHRISTOPHLE DE GAMON 195 * * * Ces citations, qui, à plus d'un de nos lecteurs, auront peut-être paru longues, étaient nécessaires pour donner une idée complète de l'homme remarquable que la vague oublieuse du Temps semblait avoir à jamais recouvert, et dont l'existence, à peine connue de quelques lettrés, n'était pas même soupçonnée dans son propre pays. Aucun des livres publiés sur le Vivarais ne mentionne, en effet, le nom de Christophle de Gamon, à l'exception des Mémoires de Poncer, lequel donne, du reste, la preuve qu'il ne connaissait même pas par leurs titres les principaux ouvrages du poète annonéen. Et cependant, si Ton fait abstraction des Poésies de Clolilde de Surville, dont le vérita- ble auteur est encore ignoré, ( i ) le Vivarais ne pouvait se glorifier d'avoir produit aucun écrivain poétique à la taille de Christophle de Gamon. Béranger de la Tour-d'Aubenas, Jacques et Marie de Romieu, et, à une époque moins éloignée, le marquis de la Fare, le cardinal de Bernis, Boissy-d'Anglas se recommandent par des qua- lités aimables ou sérieuses, mais aucun d'eux n'a, du moins au même degré que Gamon, ce sentiment des grandes choses, cette préoccu- pation constante des vérités supérieures, cette originalité d'expression, ce feu sacré, ou, si l'on aime mieux, ce diable au corps, qui consti- tuent le poète, et qui, malgré mille défauts, animent l'œuvre entière de Gamon. Le côté saillant de la physionomie de notre poète est formé par l'ensemble de trois qualités rares qui sont : la généralité des connais- sances, l'élévation de l'esprit et l'ardeur des convictions religieuses. Aucune science ne lui est étrangère, et on voit qu'il sait de chacune tout ce qu'en pouvaient savoir les plus instruits de ses contempo- rains. Ses ouvrages marquent le point précis où en étaient, à son (i) Nous avons démontré par des faits authentiques que ces Poésies n'étaient pas du xvc siècle, et ne pouvaient pas être l'œuvre de la femme de Béranger de Surville. Voir Marguerite Chalis. Paris, Lemerre, 1875.