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 I96                      LA REVUE LYONNAISE

  époque, la géographie, la médecine, l'astronomie, la physique et les
  sciences naturelles. Pour l'Ardèche ils ont un intérêt tout particulier,
  parce qu'ils photographient en quelque sorte les mœurs, les travaux,
  les cultures, les vertus et les vices, la science et l'ignorance de nos
  pères à la fin du xvie siècle. Vivant dans une atmosphère d'erreurs,
  Garçon en accepte sans doute un bon nombre, mais il fait justice
  de quelques-unes, et on sent constamment chez lui une ardeur infa-
 tigable à chercher la vérité. On a dit que la science vivait d'observa-
 tions et la poésie d'intuitions. C'est vrai à un point de vue, mais on
 n'ose pas calculer à quels égarements pourraient arriver les intuitions
 d'un homme qui n'aurait ni observé, ni profité des observations
 des autres. Chez notre poète, l'observation et l'intuition tiennent
 une place à peu près égale. On sent toujours le savant sous le poète.
 L'enthousiasme que lui fait éprouver le spectacle de la création n'est
 pas un de ces enthousiasmes à froid, qu'on éprouve pour ce qu'on ne
 connaît pas ou pour ce qu'on connaît à peine. Gamon avait beau-
 coup vu, beaucoup étudié. On sent qu'il admire partout en conais-
 sance de cause. Il a évidemment goûté lui-même les plaisirs de la
 pêche et de la chasse. Il a fait de l'herborisation. Il a dû cultiver un
 jardin. Il a pratiqué la terre et contemplé les astres. Il a étudié les
 mystères du corps humain. Il a enfin approfondi, non moins que le
 monde extérieur, ce monde intérieur, aussi vaste que l'autre, bien
 qu'il tienne dans la poitrine des créatures humaines, et qui témoigne
 encore plus de la sagesse et de la puissance divine. La forme, chez
 Gamon, est souvent négligée, du moins à notre point de vue, mais
 nous serions tenté de voir là un indice de force plutôt que de fai-
blesse. Il semble qu'il cherche le beau, le grand, le vrai, sans se
préoccuper des expressions. La profonde conviction qui anime ses
vers en fait oublier ce qu'à tort ou à raison nous considérons comme
des incorrections, en éclaire les obscurités, en fait pardonner l'erreur
ou l'enflure. Gamon se faisait dès lors de la poésie cette haute et véri-
table idée qui n'a peut-être été bien comprise qu'aujourd'hui, après
la mort de la poésie elle-même. Elle n'était pas pour lui un amuse-
ment, mais un sacerdoce. Il estimait qu'elle n'était rien, si elle ne
servait pas à éclairer et à corriger les peuples. De là, ce profond