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            LA « SEMAINE » DE CHRISTOPHLE DE GAMON                      IJJ

avec des allures bibliques non moins accentuées. Tous deux tenaient
cela de la Réforme, qui, ainsi que le fait observer M. Pellissier, a été
surtout « une réaction de l'esprit contre la lettre, de la morale contre
le rite, » quand elle n'était pas simplement le résultat des ambi-
tions individuelles et des revendications locales.
   Si du Bartas l'emporte sur Gamon par la largeur de l'inspiration
poétique et par la priorité de l'invention, le poète vivarais nous sem-
ble, de son côté, supérieur au poète gascon par l'étendue des connais-
sances. On voit qu'il a touché à toutes les sciences naturelles, et sa
Semaine fournit, bien plus que l'autre, un précieux point de comparai-
sonentre les idées et les préjugés de son temps et nos idées modernes.
Les erreurs n'y font pas naturellement défaut, mais on peut être indul-
gent pour le poète, quand on voit c^les que raconte gravement l'émi-
nent auteur du Théâtre d'agriculture, par exemple la génération spon-
tanée des essaims d'abeilles dans la chair corrompue des animaux.
Qui sait, d'ailleurs, si une observation plus attentive ne fera pas
découvrir plus d'une vérité cachée sous ces erreurs et ces préjugés,
qui sont, en somme, des produits de l'expérience des siècles, et mé-
ritent souvent, selon nous, encore plus l'examen que le dédain?Il y a
certainement, dans bien des pages de Gamon et d'Olivier de Serres,
de quoi faire sourire les gens superficiels, mais peut-être y a-t-il encore
plus de quoi faire réfléchir les gens judicieux et instruits. Nous lais-
serons à de plus compétents que nous ce côté de la question, nous
imposant simplement la tâche de relever, dans l'œuvre de Gamon, les
passages qui font le mieux ressortir l'élévation d'esprit et la maturité
de talent auxquelles il était arrivé, quand il aborda une entreprise
aussi vaste que celle de la description de l'univers et du redressement
des erreurs accréditées de son temps.
   L'invocation de la Semaine ne manque pas de majesté.

             Toy qui du ciel doré tends la courtine ronde,
             Qui mis le monde au jour, qui mis le jour au monde,
             Qui peux d'un seul clin d'Å“il escrouler l'univers,
             Et soustiens, sans soustien, ses estages divers,
             Guide ma main branlante, eschauffe mon courage,
             Aiguise mon esprit, enrichis mon langage.
           N° 57. - Septembre 1885.                                12