Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                         UNE POYPE EN BRESSE                          167

arrosée, dans toute sa longueur, du midi au nord, par la Reyssouse,
qui, de Bourg à Saint-Trivier, coule à pleins bords sous un rideau
de chênes, de saules et de pommiers, sans s'éloigner beaucoup de
la grande route et du chemin de fer de Genève à Paris.
   Bornée au couchant par une cassure de la plain?, la calme et
douce rivière s'endort, plutôt qu'elle ne coule, à travers les prairies,
es champs cultivés, les grosses fermes, les jolis villages, et, comme
pour la Saône, souvent le voyageur ne saurait dire de quel côté elle
suit son cours.
   Un peu avant d'atteindre Montrevel, ancienne capitale d'un comté,
elle passe au dessous de Malafretaz. Là, elle se divise en deux bran-
ches qui glissent lentement sous les saules, et, après avoir entouré,
pendant un kilomètre, une île de gras et noir limon, se rejoignent à
nouveau dans un même lit. L'union faite, la rivière continue son
voyage le plus doucement possible, et, inclinant un peu au couchant,
se dirige vers la Saône qui l'attend, à la limite du département, un
peu plus bas que Pont-de-Vaux.
   C'est à cette île de la Reyssouse que nous allons nous arrêter.
C'est ici que nous trouverons peut-être la clef du mystère qui nous
préoccupe : à quoi servaient les poypes de la Dombes et de la
Bresse?
   Cette île, composée de détritus et d'alluvions, est d'une incompa-
rable fécondité. Les siècles l'ont formée des meilleures terres de la
vallée, sans y avoir jamais apporté ni le plus petit caillou ni le plus
 mince gravois.
   Mais, à l'époque où la Gaule était couverte d'une immense et
 profonde forêt, où la Bresse n'était sillonnée que par de rares et
 sauvages habitants, où les fauves et les grands pachydermes étaient
 maîtres de la vallée, de quel calme, de quelle solitude, de quels
 mystères cette île n'était-elle pas environnée, sous les immenses
 ombrages qui la couvraient !
   Eut-elle alors des habitants humains? Qui le sait? Cependant nous
 ne le présumons pas.
    Les deux bras de la rivière étaient trop peu profonds, ils étaient trop
 étroits pour protéger sûrement les familles contre les bêtes féroces