page suivante »
LA VIE ET LES OPINIONS DE CHRISTOPHLE DE GAMON 121 Alors folastre, elle te meine Au recul ombreux d'une plaine Prendre cent baiserets sucrins Entre cents colombs colombins Et vous n'avez aux verts ombrages Aucun ombrage en vos courages. Ta belle et fidèle moitié A le tout de ton amitié ; Tu n'es, las ! ô beste paisible, Tu n'es à personne nuisible. Aussi tes honneurs sont plus grands Que de tant de voleurs volants. Qu'on ne vante et l'aigle et la grue, Encor qu'ils traversent la nue. L'un aux bestes fait mille maux, Et l'autre au roy des animaux. L'un perd les troupes emplumées, L'autre ces nabots de Pygmées. Mais toy, mon petiot oyseau, Mais toy, las! humble Colombeau, Tu n'assaus, pour faim qui t'assaille, Que quelque légère triaille. Autant ou plus heureux encor Que ces griffons qui gardent l'or, Et dont les griffes quadruplées Marchent aux Indes reculées. Puis, quand les flambants limoniers S'en vont boire aux flots mariniers, Et qu'on vit huer la Hulote, Tu ne bouges de ta boujote. O vie heureuse ! actes plus saints Que ne sont les actes humains ! L'homme use aux femmes de cautelle, La femme aux hommes n'est fidelle, Et nul ne porte nul ennuy D'ennuyer sans raison autruy ! Mainte passion différente Indifféremment nous tormente.