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  100                      LA REVUE LYONNAISE

   habitait la rue Mulet, n° 14, et y exerçait l'humble profession de
   tonnelier; sa mère était une de ces vaillantes femmes toujours à la
   hauteur de tous leurs devoirs. Le jeune ménage était originaire de
   Millery. A Millery étaient toutes leurs affections, tous leurs sou-
  venirs; là étaient leurs parents ; là ils avaient grandi, là ils aimaient
   à revenir dès que le travail leur donnait quelques instants de
  repos.
     Ce fut cette montagne qui domine le cours du Rhône que le jeune
  Saint-Jean apprit à aimer dès ses premières années; ce furent ces
  champs fertiles, ces vignobles renommés que ses premiers pas fou-
  lèrent; ce fut cet air pur et vif qu'il respira de tous ses poumons et
  si les lieux au milieu desquels on vit ont une influence sur le carac-
  tère et sur l'imagination, nul doute que c'est ici qu'il puisa l'amour
  du grand et du beau, la dignité douce, la finesse de l'esprit, la
  droiture de l'âme, l'estime de ce qu'il valait, en même temps que
  cette affabilité accueillante qui lui créa tant d'amis.
     C'est en voyant cette belle nature de Millery, ces vastes horizons,
  ces beaux troupeaux, ces champs fertiles, ces fruits, ces fleurs qu'il
  trouvait plus magnifiques ici qu'ailleurs, que le jeune Saint-Jean
 sentit naître cette passion pour la peinture qui devait un jour
 l'illustrer.
     Doux, craintif, un peu rêveur, il évitait volontiers les plaisirs
 bruyants des enfants de son âge et n'avait de satisfaction et de joie
 que lorsque son petit crayon représentait tous les objets qu'il avait
 sous les yeux. Son père n'était pas sans inquiétude sur cet entraîne-
 ment, qui pouvait faire de son fils un peintre médiocre au lieu d'un
 ouvrier habile. Plus clairvoyante, sa mère admirait cette prodi-
 gieuse facilité qui devait ouvrir à son fils la carrière des beaux arts,
 carrière brillante, flatteuse et qui n'est pas toujours fatale à ceux qui
 la parcourent.
    L'intéressante famille prospérait en aisance et en estime, quand
le malheur s'abattit sur elle. Une maladie enleva le pauvre père, et
on crut que tout allait sombrer. Seule, dans une grande ville, avec
deux enfants et une industrie difficile à diriger pour une jeune
femme, la courageuse mère se sentit grandir sous le danger. Elle fit