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4 2 LA REVUE LYONNAISE Méhémet assemble son conseil. Chacun opine. Chalil-Pacha, le grand vizir, conseille l'abandon de la lutte. Les états du sultan sont assez vastes et assez puissants pour qu'il puisse s'en contenter. Sagonès ne partage pas cet avis. Il veut la guerre à outrance : « Combien sont les Giaours? Sept ou huit mille, à peine, Tandis que nos soldats couvrent au loin la plaine. » Viendra-t-on à leur secours ? « Divisé, l'Occident n'est pas si près de nous Qu'on n'en puisse braver la colère et les coups. Au milieu des calculs de son âme engourdie, Quel élan peut avoir sa ferveur attiédie? » Sagonès connaît bien le pays des Francs, allangui, en proie aux divisions et aux rivalités, surtout à l'amour du bien-être et des plai- sirs. On acclame son discours, et on se prépare à reprendre les armes. On répand l'or à Galata, on paie des traîtres, et, la complicité des habitants achetée, on établit sur la terre ferme un plancher glissant, sur lequel on hisse les navires de la flotte qui traversent la colline, pendant qu'une musique bruyante persuade aux assiégés qu'on danse et qu'on s'amuse dans le perfide faubourg. Au lever du jour, Byzance épouvantée aperçoit les navires des assiégeants qui se balancent sur les flots de la Corne d'or. Désormais, la valeur des Grecs est impuissante. L'héroïsme de Léonce et de Zoé n'a été qu'un sacrifice inutile. La Liberté et la Tyrannie se livrent un combat mortel, et c'est la Liberté qui suc- combe. Avec elle, la Fierté, le Travail, les Beaux-Arts, la Vigueur, le Génie mordent la poussière. C'en est fait des défenseurs de Byzance. Est-ce aujourd'hui que les musulmans souilleront les temples de la grande cité ? Le ciel accorde un répit. Saint Ignace, saint Pierre et saint Basile volent vers le vallon où la Liberté est tombée. Ils la délivrent et la relèvent. La Liberté est blessée, mais elle n'est pas morte. Saint