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10                      LA REVUE LYONNAISE

le terrain, traçaient des allées, semaient, plantaient, émondaient.
   Un homme, convenablement mais simplement vêtu, les joues
fraîches, les épaules larges, l'abdomen proéminent, un véritable
gentilhomme campagnard, se promenait sur le plateau. Il contem-
plait cette scène d'un air satisfait.
   Il semblait se dire à lui-même :
   « Tous ces gens-là travaillent pour moi. »
   Ce personnage était le propriétaire de l'édifice et de la colline.

                                  VI

   En ce moment, un cavalier, suivi par un groom en livrée, s'arrêta
au bout du chemin. Il mit pied à terre, jeta la bride de son cheval
 au groom, et s'avança vers le gentilhomme. C'était, sans doute, un
voisin de campagne, un homme de la ville, un de ces bourgeois
enrichis qui savent tout sans avoir jamais rien appris, jugent les gens
et les choses avec un imperturbable aplomb, et se mêlent à tout
propos de ce qui ne les regarde pas.
   Après les compliments d'usage, il examina les travaux, et, natu-
rellement, trouva matière à critiquer. Rien n'était à son gré. La
situation était mal choisie, et le plan détestable. La pierre était mau-
vaise, et le bois trop jeune. A coup sûr, la maison était trop basse et
trop large. Les pièces seraient trop grandes, les jours mal distribués.
Enfin, la décoration extérieure, à peine indiquée, n'était pas au goût
du temps.
   Il n'était pas jusqu'aux échafaudages qu'il ne trouvât mal installés.
Le parc était mal dessiné.
   Quant aux ouvriers, ce n'étaient ni des maçons, ni des charpen-
tiers, ni des jardiniers, mais des manœuvres, de simples manœuvres :
   « Ah ! s'il avait été consulté ! »
   Le gentilhomme écoutait bouche béante.
    « J'ignorais que vous fussiez architecte, » répondit-il enfin.
   « Aussi nelesuis-jepas, » reprit le voisin, « mais qu'importe ? J'ai
fait ma fortune en vendant des toiles, c'est vrai; mais j'ai beaucoup
appris, en voyageant, et je reçois quatre journaux. Ah! cher mon-