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6                       LA REVUE LYONNAISE

entre un tuteur enrichi et son pupille dépouillé, il avait prouvé que
le tuteur était un digne gentilhomme et le pupille un polisson.
   Il est inutile d'ajouter que, arrivé à Micronie pauvre comme fe
plus humble des stagiaires, Pacôme avait fait, en quelques années,
une assez belle fortune. Aussi rien ne pouvait égaler le respect des
gens de lois et des mauvais plaideurs pour l'èminent avocat, si ce
n'était, peut-être, la terreur qu'éprouvaient les gens paisibles, quand
ils le rencontraient.
   Toujours le front haut, les yeux immobiles, la lèvre supérieure
dédaigneusement relevée, il allait par les rues à pas comptés, et se
balançait légèrement de droite à gauche et de gauche à droite, mou-
vement qui, chacun le sait, est l'indice d'un grand contentement de
soi-même.
    Pacôme, d'ailleurs, était convaincu de sa supériorité sur tous les
citoyens de la République. De fait, il pouvait parler pendant un
jour entier des choses qui lui étaient le moins familières, sans hésiter
 et [sans laisser à ses auditeurs le temps d'émettre une objection,
 moyen infaillible d'éblouir les badauds, et de passer, aux yeux des
 ignorants, pour un homme universel.
    Mais ses triomphes au palais et dans certains salons ne purent
 longtemps satisfaire ses légitimes ambitions. Il se persuada facile-
 ment que son devoir était de mettre ses hautes capacités au service
 de son pays, et résolut de se lancer dans la politique.

                                   II

   La République des Myrmidons avait été organisée par un ban-
quier-politicien de Chicago, qui avait dû s'expatrier à la suite d'une
soustraction faite au moyen de plusieurs multiplications et d'un cer-
tain nombre d'imitations de signatures... le tout si bien exécuté que,
dans un pays moins arriéré, il aurait passé pour un habile calli-
graphe et pour un grand mathématicien.
   Le nouveau Solon avait, tout comme un autre, fait sa petite
constitution, et les Myrmidons jouissaient, grâce à lui, des dou-
ceurs de la civilisation et des bienfaits du parlementarisme.