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396 LA SUAVI0LA. Mais il se sentait oppressé d'un si douloureux accablement, qu'il lui fallut ajourner celte exploration. Toutefois ce n'é- taient ui les rudes fatigues de la nuit, ni les vives atteintes du froid qui paralysaient ses forces. La pénible impression qui le dominait tenait au souvenir des traces de sang que les contrebandiers avaient laissées dans leur fuite, Etienne était d'une organisation très-impressionnable, et les événements de S8 jeunesse avaient encore développé sa sensibilité naturelle. Il s:nait souffrir, mais il ne pouvait pas voir souffrir les autres. Son caractère, en un mot, était un singulier mélange de faiblesse et de force, d'indolence et d'activité. Aussi ce n'est pas de gaîlè de cœur qu'il s'était jeté dans cette existence aventureuse des douaniers, si oppo- sée à ses inclinations. Il avait fallu, pour le contraindre à embrasser une pareille carrière, l'impitoyable rigueur de la nécessité ; et c'est ici le lieu d'indiquer le triste enchaînement des circonstances de sa vie. Le père d'Etienn?, pauvre cultivateur, s'était marié de bonne heure, et avait pris en ferme un petit domaine dont l'exploitation ne lui réussit point. Il y épuisa ses forces, et mourut bientôt. Sa femme ne lui survécut que de quelques jours. Etienne, leur unique enfant, alors âgé de dix ans à peine, restait sans parents et sans appui. C'était un douloureux spectacle que de voir ce pauvre orphelin, en pleurs, sur le seuil d'une ferme déserte, appelant en vain le père et la mère qu'il avait perdus. Il passa ainsi presque un mois, ne vivant que d'aumônes et ne recevant que les insuffisantes consolations d'un vieux pâtre attaché à la ferme. Enfin, une généreuse personne de la contrée, informée de la détresse de cet enfant et touchée d'une aussi grande mi-