page suivante »
336 CHRONIQUE LOCALE. mais infiniment plus grande et plus convenable que le salon du Cercle musical. Le public, en effet, est accouru attiré par le désir de faire une bonne œuvre, par l'empressement d'entendre des artistes d'élite, et la curiosité de voir une salle qui serait l'idéal de la perfection, si son 'éloigneraient du centre de la ville n'obligeait les dilettanti à prendre une voiture, ou à faire, a minuit, un voyage à pied fort ennuyeux pour peu que la pluie ou le brouillard se mette de la partie. Samedi donc, les organisateurs du concert avaient offert l'attrait irrésistible d'une pléiade de lauréats du Conservatoire. MM. Lavignac, Laserre et Gros, devaient, par la réunion de leurs talents, satisfaire amplement aux exigences les pins difficiles ; le programme était d'ail- leurs des plus heureusement choisis. Un quatuor de Weber, exécuté par MM. Lavignac, Laserre, Gros et Bay. a ouvert la séance. Il est impossible d'interpréter plus digne- ment cette musique si riche de pensée et d'expression harmonieuse et mélodique. Le talent de M. Aimé Gros était on ne peut plus convenablement associé à celui de MM. Laserre et Lavignac. Ces deux jeunes artistes, que Lyon a déjà eu le plaisir d'entendre et d'applaudir, ont encore vu leur talent grandir cette année. Dans un âge où l'on n'offre que des espérances, M. Lavignac rivalise avec les grands maîtres, et il justifie pleinement l'affectueuse sympa- thie que lui porte Rossini, ce suprême appréciateur musical. Le jeudu brillant artiste unit la force d'une main ferme et sûre à la légèreté la plus souple et la plus gracieuse. M. Laserre semble réaliser tout ce qu'on est en droit d'attendre du violoncelle, ce magnifique instrument dont la voix, mâle et légère à la fois, réunit tous les registres de la voix humaine. Quand on entend M. Lasserre, on serait tenté de croire que le vio- loncelle est un instrument facile. Pas une note équivoque ne vient se mêler aux jouissances de l'oreille. L'archet le plus vigoureux et le plus sûr se joue de toutes les difficultés. Le staccato tiré et poussé n'est pour lui qu'un jeu, et l'attitude calme et sans prétentions de l'ar- tiste, pendant les difficultés les plus scabreuses, semble prouver qu'il ne se livre qu'à un badinage quand il exécute des traits qui font fris- sonner ceux qui ont essayé cet instrument, le plus difficile de tous. 11 est impossible d'entendre rien de plus suave que la Berceuse de Dankler exécutée par ce magnifique archet. M. Holtzem, le professeur habile, et Mlle Zeiger, dont tout le monde apprécie le talent et la belle voix, ont complété le succès de ce con- cert, qui laissera des traces dans nos souvenirs. MM. Aimé Gros, Laserre et Lavignac se sont de nouveau fait en- tendre le 4 avril, dans la salle de la Société philarmonique. C'était une trop bonne fortune pour qu'il ne fût pas facile de faire prévoir, vu l'exiguïté de la salle, que les retardataires auraient le regret de se voir éconduits ou mal placés. A. V. AIMÉ VINGTIUNIER, directeur-gérant.