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CHRONIQUE LOCALE Souvent, un indifférent vous demande : — Rien de nouveau ? — Rien de nouveau, répondez-vous ; et après un salut banal vous vous séparez. Rien de nouveau avez-vous dit, et cependant vous avez une visite qui vous ennuie, une botte qui vous g?ne. une domestique à rempla- cer, un enfant malade, une emplette à faire, un billet à payer, un ap- partement à changer, une campagne à vendre, une discussion avec madame, un associé qui vous agace, un livre qui ne se vend pas, un tableau refusé au salon, mille choses qui vous oppressent, vous éner- vent, vous irritent, mais dont on ose parler, à quoi bon? non, non, il n'y a rien de nouveau. — Rien de nouveau ! la loi sur l'armée, la loi sur la presse, l'Ita- lie, la Prusse, le Rhin, les chasscpots, bagatelle! on n'en parle pas, à quoi bon? et puis cela vous intéresse-t-il ? non, non, nous gardons cela pour nous ; ce sont affaires de ménage, préoccupations d'inté- rieur ; la Revue n'en dira rien ; adieu, tout à vous, c'est fâcheux qu'il n'y ait rien de nouveau. La Turquie? non, non, rien de nouveau. Ah ! si, voilà le printemps; il fait froid, mais on a du soleil. On peut dire cela sans se compromettre. L'Exposition est ouverte et le public y court. Beaucoup de toiles, pas de tableaux ; de fins paysages, des marines dont les flots remuent, des tableaux de genre à tromper l'œil ; de la neige à refroidir les pieds, des pâtés à donner appétit, des bouquets qu'on voudrait sentir, des œillets qu'on serait tenté de mettre à sa boutonnière ; mais des Pérugin, ou dos Delacroix ? absence. Notre prochaine livraison contiendra une promenade au Salon, re- tardée faute de place dans nos colonnes. — La Fanfare lyonnaise a donné son concert annuel à l'Alcazar. Les réunions de cette habile société sont toujours un événement pour la ville. Cette fois encore le public a répondu à l'appel et la fête a été digne de l'empressement du public. Quoique la vaste salle de l'Àlcazar fût remplie et que les toilettes les plus élégantes s'y fissent remarquer, tout Lyon n'était pas au concert. Il restait bon nombre d'auditeurs venus pour entendre, au Palais-des-Arts, la conférence de M. Soupe sur un Original duXVHP siècle. La parole vive, humoristique et railleuse de l'orateur a été plu- sieurs fois couverte par les applaudissements. On connaît ce style gaulois que M. Soupe met au service d'une haute science. H prodigue le sel, ne retient pas un paradoxe, ouvre des parenthèses, émet les opinions les plus sérieuses en badinant, les plus futiles d'un ton sérieux, tend des pièges au publie et le tient en haleine pendant des heures sans qu'un seul.de ses auditeurs ait l'air de s'apercevoir que le temps fuit. C'était un original, un fou, d'après M. Soupe, ce bon abbé de Saint- Pierre qui préférait la paix à la guerre, l'économie au faste, la vertu au vice, qui voulait réformer la Cour, la Ville, la magistrature, l'ar- mée, la marine, les finances et qui fut tant raillé par les écrivains et