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152                CINQ-MARS ET DE THOU.

mit à genoux contre le poteau, fit signe au bourreau de se
retirer; lorsqu'il parut avec les ciseaux, les prit doucement
de ses mains, coupa sa moustache, qu'il pria son confesseur
de brûler avec le portrait, puis les donna au dit confesseur
avec grâce et le pria de lui couper les cheveux.
   Ce qu'étant fait, dit son In inanus      , embrassa le po-
teau, mit sa tête dessus, sans être bandé ni lie', et, comme
il attendoit le coup qui ne venoit pas, leva la tête par deux
fois pour appeler le bourreau, lequel, quoi qu'âge' de soixante
ans, faisoit encore son apprentissage.
   A la fin, en deux coups, la tête fut séparée du corps; le
 sang rejaillit en haut, la tête santa en bas, où je considérai
 ses yeux ouverts aussi beaux que lorsqu'ils étoient animés.
Le corps demeura en la même posture sur le poteau, sinon
qu'il se baissa d'un demi-pied par sa pesanteur, les mains
 toujours jointes : ce qui témoigne un grand calme. A l'ins-
 tant on couvrit le corps.
   Après, Monsrde Thou, qui étoit demeuré dans le carrosse
avec son confesseur , monta sur l'échafaud et embrassa
d'abord le bourreau, se mit à genoux et récita le psaume
 Credidi, qui est fort beau et bien à propos de ce qu'il alloit
 souffrir.
   Après, tenant un crucifix en ses mains, dit : « Mon Dieu,
je vous adore en esprit, ma bouche n'est pas assez élo-
quente pour ce faire. » Il se tourna du côté duquel j'étois ;
il aperçut derrière moi, qui étois au pied du théâtre, une
 personne de sa connoissance qui s'étoit glissée dans la
place; il la salua, lui disant : « A Dieu, Monsieur, je suis
votre serviteur. » Moi, qui prenois cela pour moi, ne croyant
pas qu'il y eut personne derrière, je levai mon chapeau et
lui fis un remercîment. Aussitôt, il me fit le même compli-
ment qu'à l'autre.
  Comme le jésuile lui voulut couper les cheveux, il ne le