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266 LA R E V U E LYONNAISE je l'aidai à endosser son habit noir, je lui donnai les gants beurre frais, le mouchoir discrètement imprégné d'eau de Cologne, le chapeau à ressort. Oscar était vraiment métamorphosé à son avantage et ne rappelait guère le garçon gauche et mal ficelé que j'avais connu à l'école de droit ; je ne pouvais m'empêcher de me mirer dans mon œuvre avec un certain orgueil. Bientôt nous roulions en fiacre dans la direction de la place Royale et j'utilisais le temps du trajet en faisant au néophyte mondain une théorie sur l'art d'entrer dans un salon et la manière de s'y comporter. Le jeune de Tournemont nous attendait dans un élégant fumoir; il était prêt ; aussi ne tardâmes nous pas à prendre le chemin de la rue Saint-Claude. Au moment de franchir la porte derrière laquelle étaient toutes ses espérances, je m'aperçus qu'Oscar tremblait comme la feuille. Je lui serrai le bras à le faire crier, en lui adressant quelques mots énergiques pour lui remonter le moral, et bientôt notre introducteur nous présentait à M. et à Mme Morin qui nous faisaient un accueil empreint de la plus grande cordialité. Comme je finissais d'adresser à Mme Morin la phrase obligatoire de l'honmeur qu'elle avait bien voulu nous faire en nous ouvrant sa maison, Oscar, qui me laissait le soin de porter la parole et se contentait de s'associer à ce que je disais par de profonds saluts, tira le pan de mon habit et me montra une jeune fille allant et venant dans le salon sur le seuil duquel nous étions restés. « La voilà ! murmura-t-il avec émotion à mon oreille. — Cette demoiselle en blanc avec des myosotis dans les cheveux ? — Oui, oui... N'est-ce pas qu'elle est adorable ? » Mme Morin ne s'était pas éloignée ; elle aperçut la jeune fille et lui fit signe de venir. « Renée, lui dit-elle pendant que nous nous inclinions, Oscar et moi, voici deux danseurs que M. de Tournemont a bien voulu nous amener. Où sont tes sœurs ? Tu devrais aller les chercher. » Bachereau, complètement dans l'extase, enveloppait d'un regard d'adoration la jeune fille avec laquelle nous nous étions mis à causer, Louis de Tournemont et moi. Mlle Renée avait de dix-neuf à vingt ans, ses traits étaient assez