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io                        L'ÉCOLE LYONNAISE

à la lyre. Les Lyonnais s'en revanchent dans leur prose.
« Jamais le Lyonnais, écrit Cicero, n'est en si mauvaise
passe qu'il ne die quelque gandoise. » Mais notre nar-
quoiserie est tout imprégnée de mélancolie, tout en dedans;
d'un pessimisme résigné; retenue, discrète; d'une grande
naïveté, au moins apparente. Quoi de plus mélancolique
que le Testament de Jirôme Tampia ? Ce genre peut, en de-
hors de Lyon, ne pas toujours plaire; il reste que c'est le
contraire de l'esprit germanique. L'esprit germanique,
quand il veut donner dans le plaisant, est lamentable. On
n'excepte pas Goethe. Il faut excepter Heine, mais celui-là,
si Germain par un côté, ne l'est que par un côté; de l'autre
il est Français, et Sémite par dessus le marché. Notre
esprit est aussi le rebours de l'esprit provençal, très comique,
mais tout en dehors, pétulant, débordant, et communément
trop gros pour nous.
   L'éminent critique, M. Sabatier, paraît avoir eu de l'esprit
lyonnais une idée lumineusement exacte lorsqu'il écrivait ( i ) :
   « Qu'y a-t-il dans cette terre lyonnaise, dans cette ré-
gion peuplée de fabriques et de haut-fourneaux, dans cette
population en apparence toute vouée au négoce et à l'in-
dustrie, pour qu'il y pousse perpétuellement des fleurs d'une
poésie si particulière et qu'il s'y continue de siècle en siècle
une tradition littéraire et artistique toujours originale et
toujours féconde ? Il me semble qu'on peut parler à bon
droit et sans rien forcer, d'une école lyonnaise de philo-
sophie, de littérature et de poésie, tout comme on parle
d'une industrie lyonnaise pleine d'art, de richesse et de
goût. Au commencement de ce siècle, le chef de cette école


     (i) Journal de Genève, du 9 mars 1890.