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504            LE SONGE D'UNE NUIT D'HIVER

ment changeante, au physique comme au moral, du cœur
humain. Tu sais qu£, d'après les savants, le corps est
entièrement renouvelé tous les sept ans par le fonctionnement
des organes de la vie. Pourquoi voudrais-tu qu'il en fût
différemment de l'âme dont les variations connues indiquent
bien aussi le fonctionnement d'une vie spéciale?
   Quand Claude jeta au feu la dernière feuille, il se fit en
lui comme un grand vide et il ressentit dans tout son être
un léger frisson, qui était peut-être l'effet simultané de la
tristesse et du froid. Il regarda la pendule, elle sonnait
quatre heures.
   Il passa le reste de la nuit dans son fauteuil, incapable à
la fois de dormir et de penser, s'abandonnant à de vagues
et mélancoliques rêveries dont il sentait invinciblement
peser sur lui la soporifique influence.


                              *
                              **


   On dirait qu'il y a quelque chose dans l'air, murmurait
la folle du logis.
   — Il y a le froid, pensait Claude. Je le sens qui me saisit,
maintenant que la flamme des lettres a cessé d'animer le
foyer. Au fait, ces souvenirs n'était-ils pas sacrés et n'ai-je
pas eu tort de les détruire?
   — Console-toi, mon pauvre homme, tu n'as pas brûlé le
cœur humain ; il y aura d'autres amoureux sans toi, et ce
n'est pas pour rien que l'antiquité a inventé le phénix qui
renaît perpétuellement de ses cendres.
   Le vieillard — car c'est de cette nuit-là seulement que
Claude sentit l'âge peser lourdement sur sa tête — mit une
couverture sur ses genoux et une autre sur ses épaules