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                           BIBLIOGRAPHIE                           221

         Dans un nuage obscur aux tremblantes fumées,
         L'air brûlait. On eût dit qu'à la voix d'Israël,
         La ville s'élançait, toute en feu, vers le ciel.
         Le vaste embrasement,fleuveaux nappes grondantes,
         Croulait, comme une pluie, en flammèches ardentes...
         Des champs de Menua jusqu'au désert mouvant,
         Que teint d'ocre et de feu l'éclat du jour levant,
         Ses morts, disséminés, jalonnent monts et plaine.
         Par les vents avertis de la tuerie humaine,
         Les vautours se jetant sur ces restes épars,
         Des bouts de l'horizon viennent de toutes parts...

   Pour nous reposer de ces sombres tableaux, voici de gracieuses
idylles : Ruth, Abigaïl et Tobie. Florian avait déjà traité les deux sujets
de Ruth et de Tobie, mais il ne l'a point fait avec cette exactitude et
cette conscience. Une scène émouvante s'offre dans Respha, défendant
contre les chacals et les vautours les cadavres de ses sept enfants. Le
poète nous conduit ensuite avec Saûl chez la Pythonisse d'Endor, ou nous
fait assister au Festin de Belsatzar. Nous arrivons au Livre de Job.
M. Beauverie en a traduit maints passages avec bonheur. Dans l'im-
mense concert des lamentations humaines, Job est par excellence le
grand poète de la douleur, et toujours on découvre dans ses plaintes
des profondeurs nouvelles. Nul n'a été plus avant émouvoir les fibres
de notre cœur, nul n'a poussé un cri plus déchirant, exhalé une amer-
tume plus profonde. Ses accents sont trop puissants pour être les
accents d'une douleur privée, le cri d'une seule âme. Cette douleur
embrasse" toutes les douleurs humaines, répond aux souffrances de
toutes les âmes, c'est la plainte de l'humanité. La harpe sacrée de Job
a rendu toutes les notes de cet hymne lamentable, qui monte du fond
des âmes, tantôt humble et mélancolique comme la résignation, tantôt
violent et déchirant comme l'indignation. Sublime élégie du mystère
de la tristesse, gouffre sans fond et plein d'ombres redoutables. Les
poètes, bien mieux que les philosophes, savent traduire ces chants
d'amertume. Le poète crie ou chante sous le coup d'une impression,
sa parole a quelque chose de spontané comme un mouvement irréfléchi
 qui trahit l'état de l'âme. Mais quel est donc cet instinct qui fait aimer
à l'âme les chants de douleur? Ce n'est point certes un instinct de
cruauté qui lui fait trouver sa joie dans le m.-.lhcur de ses frères. Non,
     N° 3. — Mars 18S9.                                       ]6