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l88   ÉTUDE SUR DON QUICHOTTE ET PICKWICK-CLUB

ses épreuves, si ardent à entreprendre les démarches les
plus périlleuses, pour se porter au secours des infortunes
vraies ou imaginaires qui éveillent sa compassion, peùt-on
ne pas l'estimer, ne pas l'aimer ? Aussi comme ils sont
aimés tous deux, M. Pickwick par ses compagnons qui lui
témoignent en toute occasion la plus affectueuse déférence;
Don Quichotte par son écuyer Sancho, par ses voisins, le
licencié et le barbier, si affligés de la maladie qui trouble
l'esprit de cet excellent homme !
   J'ajoute que Don Quichotte et M. Pickwick, en toute
autre chose que l'objet de leur manie, se montrent très rai-
sonnables, pleins de sens, de l'esprit le plus juste et le plus
élevé. En mille occasions ils tiennent les discours les plus
sensés et donnent d'excellents conseils. Ceux qui les
écoutent sont émerveillés de ce mélange de raison et de
folie. Le lecteur partage cet étonnement. Qu'est-ce donc
 que l'esprit de l'homme et cette intelligence dont nous
 sommes si fiers ? Qui sait si nous n'avons pas nous aussi
 quelque idée fixe qui trouble notre jugement sur certains
 points ? Les aliénistes se trompent-ils, quand ils disent qu'il
 y a des degrés dans la folie, mais que tous les hommes, sans
 exception, en ont un brin plus ou moins visible et plus ou
 moins gros ?
   M. Pickwick et Don Quichotte ne pèchent que par un
 excès d'idéalisme. Ils sont les types de ces intelligences
 toujours tournées en haut, qui ne voient que leurs idées
 sans jamais abaisser leurs regards sur les réalités. Il y a des
 esprits de cet ordre, dont les yeux ne voient pas, dont les
 oreilles n'entendent pas, qui vivent comme dans un rêve,
 rêve souvent ridicule mais quelquefois sublime. Les amou-
 reux et les poètes sont de cette catégorie; j'oserais dire aussi
 certains pieux personnages qui, absorbés dans leurs con-