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ÉTUDE SUR DON QUICHOTTE ET PICKWICK-CLUB 187 tel ou tel individu, mais plutôt l'œuvre commune d'une école. Autour de tout grand savant se groupe un certain nombre de disciples, qui travaillent sous sa direction dans le sens qu'il leur indique; et quand les recherches partielles aboutissent à une grande découverte, le chef de l'école en recueille la principale gloire, mais il ne se l'attribue pas toute entière, et chacun de ses collaborateurs en a sa part. Ainsi, M. Pasteur à Paris, Hemholz et Virckow en Alle- magne, MM. Henzen et Helbig au milieu de leurs jeunes collègues de l'Institut archéologique de Rome. Quiconque s'isole et veut travailler seul se voue à l'impuissance ; et, si la prétention s'en mêle, le ridicule n'est pas loin. Ainsi M. Pickwick et ses compagnons. Ralliés à une école sérieuse, se soumettant à une direction, à une discipline, ils devien- draient peut-être de vrais savants ; voulant tout faire par eux-mêmes, suivre leur caprice, s'étendre dans tous les sens, ils tombent justement sous la férule indulgente et paternelle de Dickens, comme Poitrinas et Magis sous les moqueries du parterre que M. Labiche met en gaîté. L'archéologue et le statisticien de M. Labiche ne sont que des fantoches grotesques qui font rire et rien de plus. Don Quichotte et M. Pickwick font penser. Ce serait se méprendre étrangement de ne voir en eux que de simples caricatures. Ce sont des hommes, ce sont des âmes, et des âmes douées de qualités éminentes que leur folie ne voile pas, qu'elle fait plutôt ressortir. Au milieu des plus cruelles et des plus ridicules mésaventures qu'il s'est bénévolement attirées, Don Quichotte déploie de véritables vertus, la patience, la douceur, une fermeté qui ne se dément pas, un rare courage, un dévouement à son idéal qui serait admi- rable s'il s'employait à de meilleures causes. De même M. Pickwick, si bienveillant, si affectueux, si patient dans