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LE PERE GRASSET 43 le gouvernement absolu de la place et qu'elle feust à sa dévotion pour y mettre telle garnison que bon luy sem- blerait. A ces fins envoya appeler dans sa ville de Tournon le V. P. Jean Petit, prieur, auquel ayant déclaré son dessein et n'y ayant voulu consentir, disant cela ne dépendre abso- lument de luy, mais bien de toute la communauté capitu- lairement assemblée, le fit conduire par quarante cavaliers commandés par le capitaine Corse, au devant de la grande porte du couvent, avec menace que si les religieux qui estoient au dedans ne délivraient présentement la maison aux présents cavaliers, que, immédiatement après le refus, le V. P. Prieur serait pendu au devant de la porte. A laquelle demande n'ayant voulu consentir, le V. P. prieur fut reconduit par Jes mesmes cavaliers dans la ville de Tournon où, ayant été détenu quelques jours, fut renvoyé dans son monastère de Colombier, où, au mois d'avril de la mesme année, les religieux capitulairement assemblés firent encore une seconde élection du sieur duc de Mont- morency pour protecteur et gouverneur de leur chasteau et forteresse, laquelle luy fust présentée et par luy acceptée. Le sieur de Tournon en estant adverti en fut grandement fasché, par suite de quoy, au mois de may suivant, fit enlever tous les bœufs de nos granges pour conduire le canon, mais par ordre du sieur duc de Montmorency furent rendus. Enfin, pendant huit années entières, ce bon Père (le prieur) a beaucoup souffert en corps et en esprit, et en 1592 fut nommé prieur de Paris, où il est mort en odeur de sainteté. » Au siècle suivant, où notre chroniqueur parle en témoin oculaire, on voit les abus qui s'étaient introduits de nou- veau parmi les Célestins. Au lieu de venir comme autrefois à l'église de Colombier pour y gagner le pardon de ses