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30 LES VOYAGES DE MADAME DE SÉVIGNÉ Exilé à Lyon pour ce fait, le marquis de Villeroy était dou- blement puni d'abord par l'inaction forcée qui l'empêchait de prendre sa part des glorieux exploits de l'armée, ensuite par l'éloignement d'une personne de la Cour, objet de sa passion, qui n'est désignée dans la lettre que sous le faux nom d'Alcine, et qui avait été l'occasion de cette parole imprudente si sévèrement punie. Mme de Coulanges, qui comptait Villeroy au nombre de ses adorateurs, et l'appelait dans ses lettres le Charmant, se plaît malicieusement à conter sa disgrâce, à le montrer tan- tôt solitaire à Neuville, outré de tristesse, se livrant à la chasse qu'il hait mortellement, ne lisant plus ou ne sachant ce qu'il lit, refusant toute distraction et méprisant les femmes ; tantôt à Lyon, au milieu des plaisirs de Bellecour, et oubliant son Alcine dans le commerce de deux petites bourgeoises provinciales, dont elle se moque. L'une, Mme de Solu, mariée à un financier lyonnais, et dont la réputation de beauté s'est conservée dans les chroniques de. Tépoque, avait eu d'abord la préférence, puis avait dû céder la place à une autre, une Mme Carie, qu'elle avait elle-même, et chez elle, présentée à l'aimable marquis. Cette dernière et son mari étaient connus, eux aussi, dans le monde de la galanterie lyonnaise du xvn e siècle, et ils ont eu ensemble les honneurs d'un article dans le Diction- naire des Précieuses, de Somaize, dont un appendice tout entier est consacré aux précieuses de Lyon (3). François de Villeroy, né à Lyon en 1644, avait 28 ans lorsqu'il fut le héros des bonnes fortunes que raconte la (3) Walcknaer. Mémoires sur .V/mc deSévigné, IV, ch. 8. — Péricaud. Notes et documents, 1664, p. 29; 1672, p. 2. — Somaize, Dict. des Pré- cieuses, art. Cimachus.