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LES ARTISTES LYONNAIS A PARIS. 461 quité de rien produire de comparable aux deux figures du tableau de M. Ingres, le Paolo et la Françoise de Rimini, comme on eût pu défier le plus grand poète, de rien imagi- ner de comparable aux deux types dessinés par Dante. C'est que dans les créations du poète et du peintre modernes il y a autre chose et mille fois plus que les vibrations de la sensua- lité. Chaque passion, chaque état moral de l'homme de notre époque se ressent de l'influence exercée par les enseignements chrétiens. L'énergie brûlante de Tibulle, la violence des trans- ports de Sapho n'ont rien qui puisse attendrir au même degré que les quelques vers du Dante. Que sera-ce, si nous compa- rons les bacchanales grossières représentées sur les vases grecs, à cet homme qu'a tracé le pinceau de M. Ingres, et qui, ce semble, chercherait encore la mort dans un baiser s'il savait l'y trouver comme dans une fleur empoisonnée. Si nous étendions ce rapprochement entre le monde anti- que et le monde moderne, à l'interprétation diverse de l'idée de Dieu par l'art, nous arriverions de suite à cette conclusion, c'est que chez les anciens l'art religieux n'existe pas vérita- blement. Rien ne diffère, ni dans la pensée, ni dans l'expres- sion, des représentations divines et des représentations h u - maines, et cela par une raison bien simple, c'est que suivant les croyances, rien ne différait dans les hommes ni dans les dieux. Non seulement ils avaient les mômes facultés et les mêmes désirs, ils avaient encore les mêmes faiblesses et les mêmes abjections. On peut dire que la notion de Dieu n'avait pas encore été perçue, car rien de ce qui constitue Dieu comme être distinct de l'homme n'était connu du monde an- cien. Du moins l'idée n'en existait qu'à l'état abstrait dans le cerveau de quelques philosophes. Elle ne pouvait descendre dans les manifestations de l'art, précisément parce que cette idée, isolée des dogmes populaires et des enseignements reli- gieux, ne pouvait s'incarner dans aucune réalisation vivante,