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454           NOTICE SUR SA1NT-RAMBEHT-DE-.IOUX.

on reconnaît plusieurs plans, plusieurs systèmes de plateaux, de
 sommets et de bas-fonds , là où l'on ne voyait qu'une ceinture
de rochers touffus jetés presque uniformément en cercle autour
 du bassin.
    Qu'on ne s'attende pas à trouver ici ces sommets tranchants
 et dentelés, ces profils mesquins, cette maigreur de formes join-
tes à d'énormes dimensions, que plusieurs cantons de la Suisse
 et du Dauphiné prodiguent à leurs admirateurs. A l'exception de
 l'aiguille de Moment, toutes nos montagnes sont taillées par mé-
plats larges et simples. Leurs croupes couvertes de bois et de
rochers ondulent sans trop de précipitation, et, pour nous ser-
 vir d'un terme technique, semblent poser devant le spectateur.
Leurs lignes terminales sont calmes, presque horizontales ; des
plateaux en couronnent la plupart des hauteurs. Mais c'est pour
 le versant qui regarde la vallée qu'elles réservent toute la har-
 diesse de leurs formes ; là elles dépouillent leur face d'une ver-
dure parasite, vêtement obligé de leurs autres contours, et mon-
trent avec une certaine ostentation ces trésors de roche vive, ces
assises puissamment accidentées que le souffle de Dieu poussa
un jour jusqu'aux nuages.
    Tels sont, à l'est, les remparts naturels de Lacraz, et, en face,
de l'autre côté de l'Albarine, le cirque imposant de Nerva, sur-
monté des arêtes de Suerme. Ces deux monts géants, et ils sont
bien géants malgré la médiocrité de leur hauteur absolue, sem-
blent en quelques parties une contre-épreuve l'un de l'autre. Sé-
parés par un intervalle à peine égal à leur élévation, ils dressent
tous deux à la face de leur rival de robustes épaules aux verts
taillis, une large poitrine osseuse, décharnée, sillonnée de rides
profondes, et ces rides elles-mêmes sont parallèles jusque dans
leurs replis les plus singuliers. Tous deux sont assis dans la
même prairie et baignent leurs pieds dans les mêmes eaux ; tous
deux enfin prêtent aux aigles les cavités inaccessibles de leurs
têtes décharnées. Nous n'avons jamais jeté les yeux sur ces deux
colosses jumeaux sans nous rappeler les fables ingénieuses que
les Grecs brodaient sur chaque accident de leur territoire , et
nous espérions trouver dans quelque fragment inédit d'Hésiode ou