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412               BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

curiosité. Les rares écrivains qui ont parlé de la littérature
orientale se sont bornés à donner des traductions en prose.
M. de Sugny le premier a osé attaquer la difficulté de face, et il
a courageusement traduit en vers un volume entier des meilleures
pièces des poètes Turcs depuis le xive siècle jusqu'à nos jours.
   Malgré les difficultés qu'il a éprouvées dans ce rude travail,
nous serions tenté de blâmer M. de Sugny, avec tous les ména-
gements possibles, d'avoir pris la peine de revenir, après chaque
pièce, mettre le public dans la confidence des passages qui l'ont
embarrassé et des raisons qui l'ont porté à choisir un sens plutôt
qu'un autre. Outre que ces notes arrêtent le lecteur et l'ini-
tient trop au mécanisme de l'œuvre, elles ont le tort de grossir
le volume aux dépens d'une foule de poésies dont elles occu-
pent la place, et de limiter à une quarantaine le nombre des
poètes traduits, tandis qu'il aurait pu être facilement doublé,
sans que le livre eût été plus gros. M. de Sugny, avec une
délicatesse et une conscience dignes des anciens temps, a voulu
montrer à ses lecteurs toute sa fidélité et sa bonne foi, comme
si la plupart d'entr'eux tenaient à ces détails, et comme si
en poésie on pouvait demander à un auteur autre chose que le
succès.
   Nous ferons encore une autre observation. Dans plusieurs
de ses traductions, M. de Sugny malgré tout son talent n'a pu
dissimuler le manque de couleur locale de quelques-unes des
pièces qu'il a traduites. La civilisation turque est de tout l'Orient
celle qui se rapproche le plus de la nôtre, et nous dirons, comme
une critique et non comme une louange, on pourrait s'y tromper,
que plusieurs des pièces du livre de M. de Sugny rappellent Ana-
créon ou Béranger. On nous demandera peut-être en quoi ce blâme
diffère du plus bel éloge; nous nous hâterons de répondre que si
nous étions admis à l'honneur insigne d'entrer dans le sérail,
nous ne tiendrions nullement à y rencontrer des Françaises ,
malgré leur incomparable beauté.
   Il en est de même du livre de M. de Sugny; à travers la grâce
et l'harmonie de sa traduction, trop de nos idées se laissent aper-
cevoir. Qu'on nous permette des citations :