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ÉTUDE SUR FRAYSSINOUS. 241 royale qui tenait tant de place dans ses affections, que ce n'est guère de la puissance pontificale qu'il faut aujourd'hui défendre les têtes couronnées, et il a vécu assez pour s'assurer que les rois ont bien d'autres dangers à conjurer que les foudres du Vatican. Nous ne doutons pas qu'il n'eût été mieux pour Louis XVI et pour Charles X, de courir les chances d'une déposition par un pape, que de monter sur l'échafaud ou de prendre le chemin de l'exil, par la volonté d'une démagogie sanglante ou d'une révo- lution de bourgeois et de gazetiers. Tout en poursuivant le cours de ses conférences, Frayssinous fut appelé, dans l'intervalle de quelques années, de 1818 à 1821, vers un autre genre d'éloquence, où il a laissé d'honorables traces, le panégyrique et l'oraison funèbre. L'éloge du prince de Condé fut particulièrement goûté de Louis XVIII, qui com- plimenta un jour l'orateur sur l'habile délicatesse avec laquelle il avait su rappeler d'illustres faits d'armes accomplis sous des drapeaux opposés, et, sans froisser aucune susceptibilité, faire cependant un tableau véridique d'un temps où, « pour notre commune patrie, le bonheur n'était nulle part, la gloire était partout. » Le panégyrique de saint Louis a le tort de reproduire des accusations du livre des Vrais Principes de l'Eglise galli- cane, contre saint Grégoire et le moyen âge ; mais on a fait ob- server avec justice, à la décharge de Frayssinous, que les savantes réhabilitations de quelques historiens modernes n'avaient pas encore rectifié les fausses idées qui, sur ce point, nous sont venues des derniers siècles. Dans l'éloge de Jeanne d'Arc, cette chaste héroïne est noblement vengée des souillures et des tur- pitudes de Voltaire. Ici encore, Frayssinous reprenait quelques- uns des meilleurs endroits de ses discours sur la Révolution. L'oraison funèbre de Louis XVIII (1824) vint mettre fin à tous ces discours. On y remarque une éloquence douce et modérée, exempte de toute emphase, évitant avec bonheur plus d'un écueil, jugeant sans flatterie ce règne de dix ans, « qui vivra dans nos annales et y occupera une place glorieuse pour le monarque comme pour le peuple; » disant enfin ce qu'il fallait dire, et sachant rester vraie et chrétienne sur ce terrain brûlant de la po-